entra en mouvement avec elle. En nous portant toujours nous-mêmes vers ce qui suit et qui est postérieur, vers un autre moment, puis vers un autre encore, nous parvenons, par la longueur que nous parcourons, à nous représenter le temps qui est l’image de l’éternité[1].
Comme l’Âme universelle avait en elle une activité qui l’agitait et la poussait à transporter dans un autre monde ce qu’elle voyait toujours là-haut, elle n’a pas pu posséder toutes choses présentes à la fois. De même qu’une raison, en se développant hors de la semence où elle reposait, semble marcher à la pluralité, mais affaiblit cette pluralité par la division, et que prodiguant, au lieu de l’unité qui demeure en elle-même, l’unité qui est hors d’elle-même, elle perd de sa force en s’étendant ; de même l’Âme universelle, en produisant le monde sensible, mû, non par le mouvement intelligible, mais par celui qui n’en est que l’image, et en travaillant à rendre ce mouvement semblable au premier, s’est d’abord rendue elle-même temporelle, en engendrant le temps au lieu de l’éternité, puis a soumis son œuvre [le monde sensible] au temps, en embrassant dans le temps toute l’existence et toutes les révolutions du monde. En effet, comme le monde se meut dans l’Âme universelle, qui est son lieu, il se meut aussi dans le temps, que cette Âme porte en elle[2]. En manifestant sa puissance d’une manière successive et variée, l’Âme universelle a engendré la succession par son mode d’action : elle passe en effet d’une conception à une autre, par conséquent à ce qui n’existait pas auparavant, puisque cette conception n’était pas effective et que la vie présente de l’Âme ne ressemble pas à sa vie antérieure. Sa vie est variée, et de la variété de sa vie résulte la variété du temps[3].