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TROISIÈME ENNÉADE.


nous avons dit, il est facile de réfuter l’opinion qui affirme que le temps est la mesure du mouvement de l’univers, et de faire contre cette opinion les objections que nous avons élevées au sujet de la définition qui fait consister le temps dans la mesure du mouvement en général, en lui opposant l’irrégularité du mouvement et les autres circonstances dont on peut tirer des arguments convenables. Il ne nous reste donc plus qu’à expliquer en quoi consiste réellement le temps.

X. Il est nécessaire pour cela que nous revenions à la nature que nous avons plus haut reconnue être essentielle à l’éternité, à cette vie immuable, réalisée tout entière à la fois, infinie, parfaite, subsistant dans l’unité et se rapportant à l’unité. Le temps n’était pas encore, ou du moins il n’était pas pour les intelligibles ; seulement, il devait en naître, parce qu’il leur est [comme le monde] postérieur par sa raison et sa nature[1] ? Veut-on comprendre comment le temps est sorti du sein des intelligibles, lorsqu’ils reposaient en eux-mêmes ? Il serait inutile ici d’invoquer les Muses : elles n’existaient pas encore. Que dis-je ? Peut-être ne serait-ce pas inutile : car elles existaient déjà [en un certain sens][2]. Quoi qu’il en soit, on connaîtra la naissance du temps si on le considère en tant qu’il est né et manifesté. Voici ce qu’on peut dire à ce sujet.

Avant qu’il y eût antériorité et postériorité, le temps, qui n’existait pas encore, reposait au sein de l’Être même. Mais une nature active [l’Âme universelle], qui désirait être maîtresse d’elle-même, se posséder elle-même et ajouter sans cesse au présent, entra en mouvement, et le temps

  1. Voy. Enn. II, liv. IX, § 3 ; t. I, p. 265, note 1.
  2. Voici comment Taylor explique ce passage : Les Muses sont antérieures au temps, en tant qu’elles existent dans Apollon, c’est-à-dire dans le monde intelligible ; mais, si l’on considère le temps comme ayant commencé, les Muses, en tant qu’elles existent dans le monde sensible, ne sont pas antérieures au temps.