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LIVRE SEPTIÈME.


le temps du mouvement, et pour l’autre, celui du repos[1]. Quelle est donc la nature de cet intervalle ? Ce ne peut être un intervalle de lieu, puisque le lieu est extérieur [aux mouvements qui s’accomplissent dans son sein].

VIII. Examinons maintenant en quel sens l’on peut dire que le temps est le nombre et la mesure du mouvement[2] ce qui semble plus raisonnable à cause de sa continuité.

D’abord ici, comme au sujet de la définition qui fait consister le temps dans l’intervalle du mouvement, on peut demander si le temps est la mesure et le nombre de toute espèce de mouvement. Comment, en effet, évaluer numériquement le mouvement inégal et irrégulier ? Quel est le nombre, quelle est la mesure qui sert à évaluer ce mouvement ? Si l’on évalue par la même mesure le mouvement lent et le mouvement rapide, la mesure et le nombre seront pour eux ce qu’est le nombre dix appliqué également à des chevaux et à des bœufs, ce que serait une mesure qui servirait également à mesurer les substances sèches et les liquides. Si le temps est une mesure de cette sorte, on voit bien qu’il est la mesure des mouvements, mais on ne voit pas

  1. Dans la définition du temps, Straton joignait à l’idée du mouvement celle du repos : « Straton définissait le temps la quantité des choses qui sont en mouvement ou en repos. » (Stobée, ib., p. 250.) Saint Augustin combat cette opinion par les mêmes raisons que Plotin : « Quum itaque aliud sit motus corporis, aliud quo metimur quamdiu sit, quis non sentiat quid horum potius tempus dicendum sit ? Nam, etsi varie corpus aliquando movetur, aliquando stat, non solum motum ejus, sed etiam statum tempore metimur ; et dicimus tantum stetit, quantum motum est, aut duplo vel triplo stetit, ad id quod motum est, et si quid aliud nostra dimensio sive comprehenderit sive existimaverit, ut dici solet plus minus. Non est ergo tempus corporis motus. » (Confessiones, XI, 24.)
  2. C’est la définition qu’Aristote donne du temps : « Le temps est la mesure du mouvement selon l’antériorité et la postériorité. » (Physique, IV, XII.) Voy. M. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. I, p. 408.