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TROISIÈME ENNÉADE.


éternel : car s’il était éternel, il se reposerait [il s’arrêterait]. Comment d’ailleurs l’idée de repos impliquera-t-elle ainsi l’idée de perpétuité (τὸ ἀεί), non de cette perpétuité qui est dans le temps, mais de celle que nous concevons en parlant de l’éternel ? Enfin, si le repos propre à l’Essence intelligible renferme en soi seul la perpétuité, nous nous trouvons par là même exclure de l’éternité les autres Genres de l’être. À cela s’ajoute que l’éternité doit être conçue non-seulement dans le repos, mais encore dans l’unité[1], puisqu’elle est une chose qui exclut tout intervalle (sinon, elle se confondrait avec le temps) ; or le repos n’implique pas l’idée d’unité et n’exclut pas celle d’intervalle. Enfin, nous affirmons que l’éternité demeure dans l’unité ; elle participe donc du repos sans s’identifier avec lui.

II. Quelle est donc cette chose en vertu de laquelle le monde intelligible est éternel et perpétuel ? En quoi consiste la perpétuité ? Ou la perpétuité et l’éternité sont identiques, ou l’éternité est liée à la perpétuité. Or il faut admettre que l’éternité consiste dans une unité, mais dans une unité formée d’éléments multiples, dans une conception ou dans une nature qui dérive des intelligibles, ou qui leur est unie, ou est aperçue en eux, de telle sorte que tous ces intelligibles forment une unité, mais que cette unité soit en même temps multiple par son essence et ses puissances. Quand on contemple la puissance multiple du monde intelligible, on appelle Essence sa substance, Mouvement sa vie, Repos sa permanence, Différence la pluralité de ces principes, et Identité leur unité[2]. Si l’on opère la synthèse de ces principes, on les ramène à ne former tous à la fois qu’une vie unique, en supprimant leur différence, en considérant la durée inépuisable, l’identité et l’immutabilité de leur action, de leur vie et de leur pensée, pour lesquelles il n’y a ni change-

  1. Voy. ci-dessus, p. 172. note 1.
  2. Ce sont, dans le système de Plotin, tous les Genres de l’être (Enn. VI, liv. II, § 7).