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LIVRE SIXIÈME.


dans le cas où des personnes, voulant allumer du feu aux rayons du soleil, placent devant ces rayons des vases polis et les remplissent d’eau pour que la flamme, arrêtée par les obstacles qu’elle rencontre intérieurement, ne puisse pénétrer et se concentre au dehors[1]. C’est ainsi que la matière devient la cause de la génération ; c’est ainsi que se comportent les choses qui subsistent en elle.

XV. Les objets qui concentrent les rayons du soleil, recevant du feu sensible ce qui s’enflamme à leur foyer, sont eux-mêmes visibles. Ils apparaissent, parce que les images qui se forment sont autour et auprès d’eux, qu’elles se touchent, et enfin qu’il y a deux limites dans ces objets. Mais, quand la raison [séminale] est dans la matière, elle lui est extérieure d’une tout autre manière : c’est qu’elle a une nature différente[2]. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait ici deux limites : la matière et la raison sont étrangères l’une à l’autre par la différence d’essence et l’opposition de nature qui rend leur mélange impossible. La cause qui fait que chacune demeure en elle-même, c’est que ce qui entre dans la matière ne la possède pas, non plus que la matière ne possède ce qui entre en elle. C’est ainsi que l’opinion et l’imagination ne se mêlent pas dans notre âmes, que chacune d’elles reste ce qu’elle est, sans rien entraîner ni rien laisser, parce qu’il n’y a pas là de mixtion. Ces puissances sont extérieures l’une à l’autre, non qu’elles soient juxtaposées, mais parce qu’elles ont entre elles une différence qui est saisie par la raison au lieu de l’être par la vue. Ici l’imagination est une espèce de fantôme (quoique l’âme elle-même

  1. « Orbem vitreum plenum aquæ si tenueris in sole, de lumine quod ab aqua refulget, ignis accenditur, etiam in durissimo frigore. Num etiam in aqua ignem esse credendum est ? Atqui de sole ignis ne æstate quidem accendi potest. » (Lactance, De ira Dei,, X, § 19)
  2. Sur l’Opinion et l’Imagination, Voy. ci-dessus, § 4, p. 134.