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TROISIÈME ENNÉADE.


que le nectar coule dans le jardin de Jupiter. Tout ce jardin est l’éclat et la splendeur de la richesse [de l’Intelligence][1] : cet éclat provient de la raison de Jupiter ; cette splendeur est la lumière que l’Intelligence de ce Dieu verse sur l’Âme. Que peut représenter ce jardin de Jupiter si ce n’est les beautés et les splendeurs de ce Dieu ? D’un autre côté, que peuvent être les beautés et les splendeurs de Jupiter si ce n’est les raisons (λόγοι) qui émanent de lui ? En même temps, ces raisons sont appelées Poros, c’est-à-dire l’abondance (εὐπορία), la richesse des beautés qui se manifestent ; c’est là ce nectar qui enivre Poros[2]. Qu’est en effet le nectar chez les dieux si ce n’est ce que chacun d’eux reçoit ? Or, ce que le principe qui est inférieur à l’Intelligence reçoit d’elle, c’est la Raison. L’Intelligence se possède pleinement ; aussi cette possession d’elle-même ne l’enivre pas : car elle ne possède rien qui lui soit étranger. La Raison au contraire est engendrée par l’Intelligence. Existant au-dessous de l’Intelligence, et ne s’appartenant pas à elle-même [comme l’Intelligence], elle existe dans un autre principe : aussi dit-on que Poros est couché dans le jardin de Jupiter, et cela au moment même où Vénus naissante prend place parmi les êtres.

Les mythes, pour mériter leur nom, doivent nécessairement diviser sous le rapport du temps ce qu’ils racontent,

  1. M. Cousin a réuni dans les notes qui accompagnent sa traduction (t. VI, p. 443) les diverses interprétations qu’on a données du mythe de Platon. L’explication qui s’écarte le plus de celle de Plotin est celle que donne Origène (Contre Celse, t. IV, p. 533) ; « J’ai rapporté ce mythe de Platon, parce que le jardin de Jupiter a de la ressemblance avec le paradis de Dieu, que Penia y représente le serpent, et Poros trompé par Penia l’homme trompé par le serpent. Voy. en outre les Éclaircissements sur ce livre, à la fin du volume.
  2. Ce passage est cité par Proclus : « L’Intelligence, comme le dit Plotin, agit de deux manières, comme étant l’Intelligence et comme enivrant de nectar. » (Théologie selon Platon, VI, 23.)