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LIVRE CINQUIÈME.


intelligence et une âme, qu’il fait partie de l’ordre des causes, qu’il faut lui assigner son rang d’après ce qu’il y a de meilleur en lui pour plusieurs raisons, entre autres parce qu’il est une cause, une cause royale et dirigeante, il doit être considéré comme l’Intelligence. Vénus [ou Aphrodite], qui est à lui, de lui et avec lui, occupe le rang d’Âme : car elle représente ce qu’il y a dans l’Âme de beau, de brillant, de pur et de délicat (ἁϐρόν) ; c’est pour cette raison qu’on la nomme Aphrodite (Ἀφροδίτη)[1]. En effet, si nous rapportons à l’Intellect (νοῦς) les dieux mâles, si nous considérons les déesses comme âmes, parce qu’à chaque intellect est attachée une âme, sous ce rapport encore Vénus se rattache à Jupiter. Notre doctrine sur ce point est confirmée par les enseignements des prêtres et des théologiens, qui identifient toujours Vénus et Junon, et qui appellent étoile de Junon l’étoile de Vénus[2].

IX. Poros, étant la Raison des choses qui existent dans l’Intelligence et dans le monde intelligible (j’entends la Raison qui s’épanche et se développe en quelque sorte), se rapporte à l’Âme et existe en elle. En effet, l’essence qui demeure unie dans l’Intelligence n’émane pas d’un principe étranger, tandis que l’ivresse de Poros n’est qu’une plénitude adventice. Mais, quelle est cette essence qui enivre[3] de nectar ? C’est la Raison qui s’épanche du principe supérieur dans le principe inférieur : l’Âme la reçoit de l’Intelligence au moment de la naissance de Vénus ; voilà pourquoi il est dit

  1. Didyme (apud Etymol. Magn., p. 179, Heidelb. ; p. 162, Lips.) donne la même étymologie au mot Ἀφροδίτη, en se fondant sur la permutation fréquente du φ et du ϐ. Ficin n’a pas bien saisi cette phrase.
  2. Les théologiens dont parle Plotin sont les Orphiques. Quant aux expressions étoile de Junon et étoile de Vénus, leur synonymie est attestée par Timée de Locres, De l’Âme du monde, p. 550. éd. de Th. Gale.
  3. M. Kirchhoff lit πληρούμενον au lieu de πληροῦν. Ce changement ne nous paraît pas justifié par le sens général.