Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
TROISIÈME ENNÉADE.


l’Amour ? Évidemment il faut expliquer ce qu’est sa mère Penia et son père Poros et montrer comment de pareils parents lui conviennent. Il faut également montrer que ces parents conviennent aux autres démons : car tous les démons, en tant que démons, doivent avoir la même nature, à moins qu’ils n’aient de commun que le nom.

Considérons d’abord en quoi les dieux diffèrent des démons. En effet, quoique souvent nous appelions les démons des dieux, cependant ici nous prenons ces deux mots dans le sens que nous leur donnons quand nous disons que les dieux et les démons appartiennent à des genres différents. Les dieux sont impassibles. Les démons, au contraire, peuvent éprouver des passions, quoiqu’ils soient éternels ; placés au-dessous des dieux, mais rapprochés de nous, ils tiennent le milieu entre les dieux et les hommes[1].

Mais comment ne sont-ils pas restés impassibles ? Comment se sont-ils abaissés à une nature inférieure ? Voilà une question digne d’examen. Nous avons aussi à chercher s’il n’y a aucun démon dans le monde intelligible, s’il n’y

  1. « L’Amour est quelque chose d’intermédiaire entre le mortel et l’immortel… C’est un grand démon, et tout démon tient le milieu entre les dieux et les hommes… La fonction d’un démon est d’être l’interprète et l’entremetteur entre les dieux et les hommes, apportant au ciel les vœux et les sacrifices des hommes, et rapportant aux hommes les ordres des dieux et les récompenses qu’ils leur accordent pour leurs sacrifices. Les démons entretiennent l’harmonie de ces deux sphères ; ils sont le lien qui unit le grand tout. C’est d’eux que procède toute la science divinatoire et l’art des prêtres relativement aux sacrifices, aux initiations, aux enchantements, aux prophéties et à la magie. Dieu ne se manifeste point immédiatement à l’homme, et c’est par l’intermédiaire des démons que les dieux commercent avec les hommes et leur parlent, soit pendant la veille, soit pendant leur sommeil… Les démons sont en grand nombre et de plusieurs sortes, et l’Amour est l’un d’eux. (Platon, Banquet, p. 202 ; t. VI, p. 298, tr. fr.) Porphyre a longuement développé ces idées dans son traité De l’abstinence des viandes, liv. II, § 37 et suivants.