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TROISIÈME ENNÉADE.


Quant aux âmes qui sont sorties du monde sensible, elles sont au-dessus de la condition démoniaque et de la totalité de la génération tant qu’elles restent dans le monde intelligible. Elles y ramènent avec elles-mêmes cette partie de leur essence qui est désireuse d’engendrer et qu’on peut avec raison regarder comme l’essence qui est divisible dans les corps et qui se multiplie elle-même en se divisant avec les corps[1]. Au reste, si elle se divise, ce n’est pas sous le rapport de l’étendue : car elle est tout entière dans tous les corps ; d’un autre côté, elle est une, et d’un seul animal en naissent sans cesse une foule d’autres. Elle se divise comme la nature végétative dans les plantes : car cette nature est divisible dans les corps. Quand cette essence divisible demeure dans le même corps, elle lui donne la vie, comme la puissance végétative le fait pour les plantes. Quand elle se retire, elle a déjà communiqué la vie, comme on le voit par les arbres coupés ou par les cadavres où la putréfaction fait naître plusieurs animaux d’un seul animal. D’ailleurs la puissance végétative de l’âme humaine est secondée par la puissance végétative qui provient de l’Âme universelle et qui est ici-bas la même [que là-haut][2].

Si l’âme revient ici-bas, elle a soit le même démon, soit un autre démon, selon la vie qu’elle doit mener. Elle entre d’abord dans cet univers avec son démon comme avec une nacelle. Elle est alors soumise à la puissance que Platon nomme le fuseau de la Nécessité[3], et, s’embarquant dans ce monde, elle y prend la place qui lui est assignée par la fortune. Alors, elle est entraînée dans le mouvement cir-

  1. L’essence divisible dans les corps est la puissance végétative ou nature animale. Voy. t. I, p. 362-367.
  2. Voy. les Éclaircissements du tome I. p. 475-478.
  3. « Aux extrémités du ciel était suspendu le fuseau de la Nécessité, lequel donnait le branle à toutes les révolutions des sphères. » (Platon, République, liv. X, p. 616 ; t. X, p. 284, trad. de M. Cousin.) Voy. aussi Enn. II, liv. III, § 15 ; t. I, p. 185.