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LIVRE QUATRIÈME.


satisfaire leur concupiscence et leurs appétits passent dans des corps d’animaux lascifs et gloutons[1]. Enfin ceux qui, au lieu de suivre leur concupiscence ou leur colère, ont plutôt dégradé leur sens par leur inertie, sont réduits à végéter dans des plantes : car ils n’ont dans leur existence antérieure exercé que leur puissance végétative, et ils n’ont travaillé qu’à devenir des arbres (δεδρωθῆναι)[2]. Ceux qui ont trop aimé les jouissances de la musique, et qui ont d’ailleurs vécu purs, passent dans des corps d’oiseaux mélodieux. Ceux qui ont régné tyranniquement deviennent des aigles, s’ils n’ont pas d’ailleurs d’autre vice[3]. Enfin, ceux qui ont parlé avec légèreté des choses célestes, tenant toujours leurs regards élevés vers le ciel, sont changés en oiseaux qui volent toujours vers les hautes régions de l’air[4]. Celui qui a acquis les vertus civiles redevient homme ; mais, s’il ne possède pas ces vertus à un degré suffisant, il est

  1. « Ceux qui se sont abandonnés à l’intempérance, aux excès de l’amour et de la bonne chère, et qui n’ont eu aucune retenue, entrent vraisemblablement dans des corps d’ânes et d’animaux semblables. Et ceux qui n’ont aimé que l’injustice, la tyrannie et les rapines, vont animer des corps de loups, d’éperviers, de faucons. La destinée des autres âmes est relative à la vie qu’elles ont menée. » (Platon, Phédon, t. I, p. 242, trad. de M. Cousin.)
  2. « Tout ce qui participe à la vie peut à très-juste titre être appelé animal ; et ce dont nous parlons [le végétal] participe du moins à la troisième espèce d’âme que l’on dit être placée entre le diaphragme et le nombril, et dans laquelle il ne peut y avoir ni opinion, ni raison, ni intelligence, mais des sensations agréables et douloureuses, avec des désirs. » (Platon, Timée, p. 77 ; trad. de M. H. Martin, p. 207.)
  3. « Er avait vu l’âme qui avait appartenu à Orphée choisir la condition d’un cygne… L’âme de Thamyris avait choisi la condition d’un rossignol… L’âme d’Agamemnon, ayant en aversion le genre humain à cause de ses malheurs passés, prit la condition d’aigle. » (Platon, République, liv. X ; t. X, p. 291, trad. de M. Cousin.)
  4. « Quant à la race des oiseaux, qui a des plumes au lieu de poils, elle résulte d’une petite modification de ces hommes exempts de malice, mais légers, qui aiment beau-