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LIVRE TROISIÈME.

même quand ils n’agissent pas sur lui ; et dans ce cas même, ils ne sont pas inertes : car chacun d’eux remplit l’office qui lui est propre ; seulement ils n’agissent pas tous ensemble sur l’homme [ne sont pas aperçus par sa conscience[1]]. Comment cela a-t-il lieu, demandera-t-on, s’ils sont présents ? n’est-ce pas plutôt qu’ils sont absents ? Nous répondrons : ils sont présents en nous, en ce sens qu’aucun d’eux ne nous manque ; d’un autre côté, ils sont absents, en ce sens qu’on regarde comme absent d’un homme le principe qui n’agit pas sur lui. Mais pourquoi ces principes n’agissent-ils pas sur tous les hommes, puisqu’ils en sont des parties ? Je parle ici principalement de ce principe qui est libre, savoir de l’intelligence et de la raison]. D’abord, il n’appartient pas aux bêtes[2] ; ensuite, il n’est pas même présent [en acte] dans tous les hommes[3]. S’il n’est pas présent dans tous les hommes, à plus forte raison n’est-il pas seul en eux. Mais pourquoi ? D’abord, l’être en qui ce principe est seul présent vit selon ce principe, et ne vit selon les autres principes qu’au tant que la nécessité l’y contraint. Or, soit par notre constitution corporelle, qui trouble le principe supérieur [l’intelligence avec la raison], soit par l’empire qu’ont sur nous les passions, c’est dans la

    et intellectus communiter in rationem humanam, præter quam in beatis, vix scintillare videtur. Adesse quidem intelligentsia et rationem propriam animabus humanis etiam non utentibus non diffidet, quicunque cognoverit intelligemiam quoque rationemque communem ubique vigere, rebusque quam minimis esse præsentem. Interea notabis intellectum non esse adeo separatum quinsit pars animæ ; item, sicut ignis semper calet, sic intellectum intelligere semper, et potentiam in discursione positam discurrere semper, quocunque modo discurrat, sive per rationes, sive per imagines, more etiam somniantis ; potentiam similiter vegetalem assidue vegetare. » Voy. Enn. II, liv. III, § 13 ; t. I, p. 183-184.

  1. Voy. t. I, p.488, 5.
  2. Les bêtes n’ont que l’imagination et les sens.
  3. C’est-à-dire : Beaucoup d’hommes font plus usage de leur imagination et de leurs sens que de leur intelligence et de leur raison.