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TROISIÈME ENNÉADE.

être meilleurs, ou bien l’on veut parler des qualités que chacun d’eux est capable d’acquérir par lui-même, et alors il ne faut blâmer que celui qui ne les a pas acquises[1] ; ou l’on parle de celles qu’il devait tenir, non de lui-même, mais du Créateur, et alors il est aussi absurde de réclamer pour l’homme plus de qualités qu’il n’en a reçu qu’il le serait de le faire pour les plantes et les animaux[2]. Ce qu’il faut examiner, ce n’est pas si un être est inférieur à un autre, mais s’il est complet en son genre : car il est nécessaire qu’il y ait des inégalités naturelles. Est-ce par la volonté du principe qui à tout réglé qu’il y a des inégalités ? Non ; c’est parce que selon la nature il doit en être ainsi[3].

La Raison de l’univers procède en effet de l’Âme universelle ; et celle-ci à son tour procède de l’Intelligence. L’Intel-

  1. « Si ignorantia veri et difficultas recti naturalis est homini, unde incipiat in sapientiæ quietisque beatitudinem surgere, nullus hanc ex initio naturali recte arguit. Sed si proficere noluerit, aut a profectu retrorsum labi voluerit, jure meritoque pœnas luet. » (S. Augustin, De Libero arbitrio, III, 22.)
  2. « Si dixerit : Non erat tamen difficile aut laboriosum omnipotenti Deo, ut omnia quæcunque fecit sic haberent ordinem suum ut nulla creatura usque ad miseriam perveniret : non enim hoc aut omnipotens non potuit, aut bonus invidit ; respondebo ordinem creaturarum a summa usque ad infimam gradibus ita juslis decurrere, ut ille invideat qui dixerit : Ista non esset ; invideat etiam ille qui dixerit : Ista talis esset. Si enim talem vult esse qualis est superior, jam illa est, et tanta est ut adjici ei non oporteat quia perfecta est. Qui ergo dicit : Etiam ista talis esset ; aut perfectæ superiori vult addere, et erit immoderatus et injustus ; aut islam vult interimere, et erit malus et invidus. » (S. Augustin, De Libero arbitrio, III, 8.)
  3. On sait que Pope, dans l’Essai sur l’homme (Épître 1), a traité tout ce sujet avec autant de force et de raison que d’éloquence et de poésie. Nous ne rappellerons que les premiers vers de l’admirable passage où il répond à l’objection formulée ici :

    Presomptuous Man! The reason wouldst thou find
      Why formed so weak, so little and so blind!
    Ask of thy mother earth why oaks are made
    Taller or stronger than the weed they shade, etc.