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TROISIÈME ENNÉADE.

des parties. Dans le monde intelligible chaque chose est toutes choses ; mais, ici-bas, chaque chose n’est pas toutes choses. L’homme particulier n’a pas les mêmes propriétés que l’homme universel. Car, si les êtres particuliers avaient quelque chose qui ne fût pas particulier, alors ils seraient universels. Il ne faut pas demander qu’un être particulier possède comme tel la plus haute perfection ; car alors ce ne serait plus un être particulier[1]. Sans doute la beauté de la partie n’est pas incompatible avec celle du tout : car, plus la partie est belle, plus elle embellit le tout. Or la partie devient plus belle en devenant semblable au tout, en imitant son essence, en se conformant à son ordre. C’est ainsi qu’un rayon [de l’Intelligence suprême] descend ici-bas sur l’homme et y brille comme une étoile dans le ciel divin. Si l’on veut se former une image de l’univers, qu’on se représente une statue colossale et parfaitement belle, animée ou fabriquée par l’art de Vulcain, et dont les oreilles, le visage, la poitrine seraient parsemés d’étoiles étincelantes disposées avec une habileté merveilleuse[2].

XV. Voilà pour les choses considérées chacune en elle-même. Quant à la liaison qu’ont entre elles les choses qui ont été engendrées et celles qui sont engendrées à chaque instant, elle mérite d’attirer l’attention, et elle peut donner lieu à quelques objections, telles que celles-ci : Comment

  1. « In hoc sensibili mundo vehementer considerandum est quid sit tempus et locus, ut, quod delectat in parte sive locisive temporis, intelligatur tamen multo melius esse totum cujus illa pars est ; et rursus quod offendit in parte perspicuum sit homini docto non ob aliud offendere, nisi quia non videtur totum cui pars illa mirabiliter congruit ; in illo vero mundo intelligibili quamlibet partem tanquam totum pulchram esse atque perfectam. » (S. Augustin, De Ordine, II, 19.)
  2. Cette conception paraît être une idée orientale. Dans les livres zends, par exemple, on lit que l’ange Mithra, qui juge les âmes après la mort, a un corps colossal et parsemé d’yeux. Voy. M. Franck, La Kabbale, p. 366.