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XCIII
TRAITÉ DES FACULTÉS DE L’ÂME.

mal qui n’a point atteint le but de sa nature est un être imparfait.

Ainsi, par parties de l’âme Nicolas entend les diverses facultés de l’animal. En effet l’animal, et en général l’être animé, par cela seul qu’il possède une âme, a plusieurs facultés, telles que la vie, le sentiment, le mouvement, la pensée, le désir, et toutes ces facultés ont l’âme pour cause et pour principe. Ceux donc qui attribuent à l’âme des parties entendent par là les facultés par lesquelles l’être animé peut produire des actes ou éprouver des passions. Tout en proclamant l’âme même indivisible, rien n’empêche de diviser ses fonctions. L’animal est donc divisible, si dans sa notion on fait entrer aussi la notion du corps[1] : car les fonctions vitales que l’âme communique au corps s’y trouvent nécessairement divisées par la diversité des organes, et c’est cette division des fonctions vitales qui a fait attribuer des parties à l’âme elle-même. Comme l’âme peut être conçue dans deux états différents selon qu’elle vit en elle-même ou qu’elle incline vers le corps[2], c’est seulement quand elle incline vers le corps qu’elle se divise et qu’elle a des parties. Quand un grain de blé est semé et qu’il produit un épi, on voit apparaître des parties dans cet épi, quoique le tout qu’il forme soit indivisible[3], et ces parties divisibles reviennent ensuite elles-mêmes à une unité indivisible ; de même, quand l’âme, qui est indivisible par elle-même, se trouve unie au corps, on y voit apparaître des parties.

Il nous reste à examiner quelles sont les facultés que l’âme développe par elle-même[4] [l’Intelligence et la Raison discursive], et quelles sont celles qu’elle développe par l’animal [la Sensibilité][5]. C’est le vrai moyen de mettre en évidence la différence des deux essences, et la nécessité de ramener à l’âme elle-même les parties de son essence qui ont été renfermées dans les parties du corps[6].

  1. Voy. les Notes, p. 365-366.
  2. Voy. Enn. I, liv. I § 12, p. 49.
  3. Voy. Enn. II, liv. VI § 1, p. 235 : « Dans une raison séminale, toutes choses sont ensemble ; dans un corps, au contraire, tous les organes sont séparés. »
  4. Le texte d’Heeren porte : τίνες διά τήν ψθχὴν ζῶα προβέβληνται. Au lieu de ζῶα, nous lisons ζωαί, comme dans cette phrase de Jamblique : « Plotin et Porphyre pensent que les facultés propres à chaque partie de l’univers [à chaque individu] sont produites par l’Âme [universelle] et que [à la mort des individus] les vies produites par l’Âme (τὰς ζωὰς προβληθείσας) cessent d’exister, comme la vie d’un être engendré par une semence finit quand la raison séminale se retire de lui pour rentrer en elle-même [en remontant à l’Âme qui l’a produite]. » (Stobée. Eclogœ physicœ, I, 52, p. 866.) Pour Porphyre, Voy. p. LXXXI ; pour Plotin, Enn. V, liv. II, § 2.
  5. Voy. p. LXX, fin. C’est cette question que Plotin traite dans le livre I de l’Ennéade I : Qu’est-ce que l’animal ? Qu’est-ce que l’homme ?
  6. Sur la séparation de l’âme et du corps, Voy. p. LII, 380-385.