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XCI
TRAITÉ DES FACULTÉS DE L’ÂME.
De la différence des Parties et des Facultés de l’âme.

Nous allons maintenant expliquer quelle différence il y a entre une partie et une faculté de l’âme. Une partie diffère d’une autre par le caractère de son genre, tandis que des facultés diverses peuvent se rapporter à un genre commun[1]. C’est pourquoi Aristote refusait à l’âme des parties et lui accordait des facultés[2]. En effet, l’introduction d’une partie nouvelle change la nature du sujet, tandis que la diversité des facultés n’altère pas son unité. Longin ne reconnaissait pas dans l’animal [l’être vivant] plusieurs parties, mais seulement plusieurs facultés. Sous ce rapport, il suivait la doctrine de Platon, selon qui l’âme, indivisible en elle-même, se divise dans les corps[3]. Au reste, de ce que l’âme n’a point plusieurs parties, il ne s’ensuit pas qu’elle n’ait qu’une faculté unique : car ce qui n’a point de parties peut posséder plusieurs facultés.

Pour mettre fin à cette discussion confuse, il faut poser un principe de définition qui serve à déterminer quelles sont les différences et les ressemblances essentielles qui existent soit entre les parties d’un même sujet, soit entre ses facultés, soit entre ses parties et ses facultés. On verra clairement par là si, dans l’animal, l’âme a réellement plusieurs parties ou simplement plusieurs facultés, et quelle opinion il convient d’adopter, ou celle qui attribue à l’homme une seule âme, mais véritablement composée de plusieurs parties par elle-même ou par rapport au corps, ou bien celle qui suppose en l’homme une réunion de plusieurs âmes et l’assimile ainsi à un chœur dont le concert des parties fait l’unité, en sorte que plusieurs parties essentiellement différentes concourent à former un seul être.

Il faut voir d’abord en quoi diffèrent dans l’âme la partie, la faculté et la disposition (ϰατασϰευή). Une partie diffère toujours d’une autre par le sujet, le genre et les fonctions. Une disposition est une

  1. Jamblique reproduit cette définition de Porphyre dans un fragment cité par Stobée (Eclogœ physicœ, I, 52, p. 878) : « Il y a entre une partie et une faculté cette distinction qu’une partie diffère d’une autre partie par son essence, tandis qu’une faculté peut avoir le même sujet qu’une autre faculté et n’en diffère que par sa fonction. »
  2. Quelques-uns prétendent que l’âme est divisible, qu’elle pense par une partie et qu’elle désire par une autre. Mais qui donc alors maintient les parties de l’âme, si par sa nature elle est divisée ? Certes ce n’est pas le corps ; et il paraîtrait bien plutôt que c’est l’âme qui maintient le corps. Du moment qu’elle en sort, il cesse de respirer et bientôt se corrompt. Si donc il y a quelque autre chose qui la rende une, c’est ce quelque chose qui serait surtout l’âme. » (Aristote, De l’Âme, I, 5 ; p. 158 de la trad. de M. Barthélemy St-Hilaire.)
  3. Voy. le passage de Platon cité p. 367-368.