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PORPHYRE.

Dans leurs écrits sur la Morale, Platon et Aristote divisent l’âme en trois parties. Cette division a été adoptée par la plupart des philosophes ultérieurs ; mais ils n’ont pas compris qu’elle n’avait pour but que de classer et de définir les vertus[1]. En effet, si l’on considère cette division en elle-même, on voit qu’elle n’embrasse pas toutes les facultés de l’âme : elle ne comprend ni l’Imagination, ni la Sensibilité, ni l’Intelligence, ni les Facultés naturelles [la puissance génératrice et la puissance nutritive].

D’autres philosophes, tels que Numénius, n’admettent pas une seule âme en trois parties, comme les précédents, ni en deux, la partie rationnelle et la partie irrationnelle ; mais ils croient que nous avons deux âmes, l’une rationnelle, l’autre irrationnelle[2]. Quelques-uns d’entre eux attribuent l’immortalité aux deux âmes ; d’autres ne l’attribuent qu’à l’âme rationnelle, et pensent que la mort ne suspend pas seulement l’exercice des facultés qui appartiennent à l’âme irrationnelle, mais encore dissout son essence. Enfin, il en est qui croient qu’en vertu de l’union des deux âmes les mouvements sont doubles, parce que chacune d’elles ressent les passions de l’autre.

  1. Cette observation de Porphyre (qu’il faut rapprocher du passage cité p. LVII, note 3) est importante pour l’histoire de la Psychologie. Elle se trouve reproduite et complétée, pour ce qui regarde Platon, dans un fragment de Jamblique cité par Stobée (Eclogœ physicœ, l, 52, p. 878) : « Platon, Archytas et les autres Pythagoriciens divisent l’âme en trois parties, la Raison, la Colère et la Concupiscence, qu’ils regardent comme nécessaires pour constituer les vertus. Ils accordent à l’âme comme facultés la Puissance naturelle, la Sensibilité, l’Imagination, la Locomotion, l’Amour du beau et du bien, a enfin l’intelligence. » Némésius fait aussi la même remarque que Porphyre, mais pour Aristote seulement, et il explique dans quel but ce philosophe divise l’âme en trois parties : « Aristote dit, dans sa Physique [dans le traité De l’Âme, II, 31, que l’âme a cinq facultés, la Puissance végétative, la Sensibilité, la Locomotion, l’Appétit et l’Entendement. Mais, dans sa Morale, il divise l’âme en deux parties principales, qui sont la Partie raisonnable et la Partie irraisonnable puis il subdivise cette dernière en Partie soumise à la raison et Partie non soumise à la raison. » (De la Nature de l’homme, chap. XV.) Pour plus d’éclaircissement, Voy. les extraits de Platon et d’Aristote qui se trouvent p. 397-400.
  2. Jamblique dit à ce sujet dans un fragment cité par Stobée (Eclogœ physicœ, I, 52, p. 894) : « Les Platoniciens diffèrent entre eux d’opinion : les uns, comme Plotin et Porphyre, rapportent à un seul ordre et à une seule idée les fonctions et les facultés diverses de la vie; les autres, comme Numénius, les opposent pour la lutte; d’autres enfin, comme Atticus et Plutarque, de la lutte font sortir l’harmonie. »