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LXXXV
PRINCIPES DE LA THÉORIE DES INTELLIGIBLES.
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corde pas sa présence][1]. » On trouve l’Être, en écartant tout ce qui le rabaisse et l’amoindrit, en cessant de le confondre avec des objets inférieurs et de s’en faire une fausse idée. Sans cela, on s’éloigne à la fois de l’Être et de soi-même. En effet, quand on est présent à soi-même, on possède l’Être qui est présent partout ; quand on s’éloigne de soi-même, on s’éloigne aussi de lui. Telle est l’importance qu’il y a pour l’âme à s’approcher de ce qui est en elle, et à s’éloigner de ce qui est hors d’elle : car l’Être est en nous, et le non-être est hors de nous. Or l’Être est présent en nous quand nous n’en sommes pas détournés par d’autres choses. « Il n’approche pas de nous pour nous faire jouir de sa présence. C’est nous qui nous écartons de lui, quand il ne nous est pas présent. » Qu’y a t-il d’étonnant ? Pour être près de l’Être, vous n’avez pas besoin d’être loin de vous-même : car, « vous êtes à la fois loin de l’Être et près de lui, en ce sens que c’est vous qui vous approchez de lui et qui vous en écartez, quand, au lieu de vous considérer vous-même, vous considérez ce qui vous est étranger. » Si donc vous êtes près de l’Être tout en étant loin de lui, si, par cela même vous vous ignorez vous-même, si vous connaissez toutes les choses auxquelles vous êtes présent et qui sont éloignées de vous plutôt que vous-même qui êtes naturellement près de vous, qu’y a-t-il d’étonnant à ce que ce qui n’est pas près de vous vous reste étranger, puisque vous vous en éloignez en vous éloignant de vous-même ? Quoique vous soyez toujours près de vous même et que vous ne puissiez vous en éloigner, il faut que vous soyez présent à vous-même pour jouir de la présence de l’Être dont vous êtes substantiellement aussi inséparable que de vous-même. Par là, il vous est donné de connaître ce qui se trouve près de l’Être et ce qui s’en trouve loin, quoiqu’il soit lui-même présent partout et nulle part. Celui qui peut pénétrer par la pensée dans sa propre substance et en acquérir ainsi la connaissance se trouve lui-même dans cet acte de connaissance et de conscience, où le sujet qui connaît est identique à l’objet qui est connu. Or, en se possédant lui-même, il possède aussi l’Être. Celui qui sort de lui-même pour s’attacher aux objets extérieurs, en s’éloignant de lui-même, s’éloigne aussi de l’Être. Il est dans notre nature de nous établir au sein de nous-mêmes, où nous jouissons de toute la richesse de notre propre fonds, et de ne pas nous détourner de nous-mêmes

  1. Il y a ici dans Porphyre une lacune que nous suppléons à l’aide du texte de Plotin.