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LXXXII
PORPHYRE.

Mais comme cette unité de l’objet sensible contient une diversité (car dans l’objet sensible l’unité totale n’est pas toutes choses en tant qu’elle est une et que toutes choses constituent l’unité totale), les anciens ajoutent aussi : en tant qu’un. Par là, ils veulent empêcher qu’on ne s’imagine un tout de collection et indiquer que l’être réel n’est tout qu’en vertu de son unité indivisible. Après avoir dit : il est partout, ils ajoutent : et nulle part. Enfin après avoir dit : il est en tout, c’est-à-dire dans toutes les choses particulières qui ont la disposition nécessaire pour le recevoir, ils ajoutent encore : tout entier. Ils le représentent ainsi à la fois sous les attributs les plus contraires, afin d’en écarter toutes les fausses imaginations qui sont tirées de la nature des corps et qui ne peuvent qu’obscurcir la véritable idée de l’être réel.

Différence de l’être intelligible et de l’être sensible.

XLI.[1] Voici les caractères véritables de l’être sensible et matériel : il est étendu, muable, toujours autre qu’il n’était, composé ; il ne subsiste point par lui-même, il occupe un lieu, il a un volume, etc. Au contraire, l’être réel et subsistant par lui-même est édifié sur lui-même et toujours identique ; il a l’identité pour essence ; il est essentiellement immuable, simple, indissoluble, sans étendue, hors de tout lieu ; il ne naît ni ne périt, etc. Attachons-nous à ces caractères de l’être sensible et de l’être véritable ; ne leur donnons pas et ne leur laissons pas donner des attributs différents.

XLII.[2] L’être réel est dit multiple, sans qu’il soit véritablement divers quant à l’espace, au volume, au nombre, à la figure ou à l’étendue des parties ; sa division est une diversité sans matière, sans volume, sans multiplicité réelle. Aussi, l’être réel est un. Son unité ne ressemble pas à celle d’un corps, d’un lieu, d’un volume, d’une multitude. Il possède la diversité dans l’unité. Sa diversité implique à la fois division et union : car elle n’est pas extérieure ni adventice ; l’être réel n’est pas multiple par participation à une autre essence, mais par lui-même. Il reste un en exerçant toutes ses puissances, parce qu’il tient sa diversité de son identité même, et non d’un assemblage de parties hétérogènes, comme les corps. Ces derniers possèdent l’unité dans la diversité : car, en eux, c’est la diversité qui domine, l’unité est extérieure et adventice. Dans l’être réel,

  1. Le § XLI est un commentaire du § 2 du livre V. Il est cité par Stobée, Eclogœ physicœ, I, 43, p. 716.
  2. Le § XLII se rapporte aux § 3 et 6 du livre V.