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PORPHYRE.

Rapport des âmes particulières avec l’Âme universelle.

XXXIX.[1] « Il ne faut pas croire que la pluralité des âmes vienne de la pluralité des corps. Les âmes particulières subsistent aussi bien que l’Âme universelle indépendamment des corps, sans que l’unité de l’Âme universelle absorbe la multiplicité des âmes particulières, ni que la multiplicité de celles-ci morcelle l’unité de celle-là[2]. » Les âmes particulières sont distinctes sans être séparées les unes des autres et sans diviser l’Âme universelle en une foule de parties ; elles sont unies les unes aux autres sans se confondre et sans faire de l’Âme universelle un simple total : « car elles ne sont pas séparées entre elles par des limites et elles ne se confondent pas les unes avec les autres ; « elles sont distinctes les unes des autres comme les sciences diverses dans une seule âme. » Enfin, les âmes particulières ne sont pas dans l’Âme universelle comme des corps, c’est-à-dire comme des substances réellement différentes[3]) ; ce sont des actes divers de l’Âme universelle (τῆς ψυχῆς ποιαὶ ἐνέργειαι). En effet, « la puissance de l’Âme universelle est infinie, » et tout ce qui participe à elle est âme ; toutes les âmes forment l’Âme universelle, et cependant l’Âme universelle existe indépendamment de toutes les âmes particulières. De même qu’on n’arrive point à l’incorporel en divisant les corps à l’infini, parce que cette division ne les modifie que sous le rapport du volume ; de même, en divisant à l’infini l’Âme, qui est l’Espèce vivante (εἶδος ζωτιϰὸν), on n’arrive qu’à des espèces : car l’Âme contient des différences spécifiques, et elle existe tout entière avec elles aussi bien que sans elles. En effet, si l’Âme est divisée en elle-même, sa diversité ne détruit pas son identité. Si l’unité des corps, où la diversité l’emporte sur l’identité, n’est pas morcelée par leur union avec un principe incorporel ; si tous, au contraire, possèdent l’unité de substance et ne sont divisés que par les qualités et les autres formes ; que dire et que penser de l’Espèce de la vie incorporelle, où l’identité l’emporte sur la diversité, où il n’y a pas un sujet étranger à la forme et d’où les corps reçoivent l’unité ? L’u-

  1. Le § XXXIX est un commentaire des § 4 et 9 du livre IV. Il est cité par Stobée, Eclogœ physicœ, I, 52, p. 820.
  2. Nous mettons entre guillemets les phrases qui se trouvent textuellement dans Plotin, à la fin du § 4.
  3. Il faut mettre une virgule après ὡς τὰ σώματα, comme l’a fait Creuzer, et ne pas unir ὡς τὰ σώματα à τῇ ψυχῇ, comme l’a fait Holstenius, qui traduit : « Quemadmodum corpora subsistunt per animam. »