Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/83

Cette page a été validée par deux contributeurs.
LXXVIII
PORPHYRE.

présent d’une manière multiple à une multitude de parties. Il est tout entier dans toutes les parties de l’être étendu, dans chacune d’elles et dans toute la masse, sans se diviser ni devenir multiple pour entrer en rapport avec le multiple, enfin, en conservant son unité numérique[1]. Ce n’est qu’aux êtres dont la puissance se disperse qu’il appartient de posséder l’intelligible par parties et par fractions. Souvent ces êtres, en s’écartant de leur nature, imitent par une apparence trompeuse les êtres intelligibles, et nous hésitons à reconnaître leur essence parce qu’ils semblent l’avoir changée contre l’essence incorporelle.

L’incorporel n’a pas d’étendue.

XXXVII.[2] L’être réel n’est ni grand ni petit. La grandeur et la petitesse sont les attributs de la masse corporelle. Par son identité et son unité numérique, l’être réel n’est ni grand ni petit, ni très grand ni très petit, quoiqu’il fasse participer à sa nature ce qu’il y a de plus grand et de plus petit. Qu’on ne se le représente donc pas comme grand : on ne saurait concevoir alors comment il peut se trouver dans le plus petit espace sans être diminué ni resserré. Qu’on ne se le représente pas comme petit: on ne comprendrait plus comment il peut être présent dans tout un grand corps sans être augmenté ni étendu. Concevant à la fois l’infiniment grand et l’infiniment petit, on doit se représenter, dans le premier corps venu et dans une infinité d’autres corps de grandeur différente, l’être réel conservant son identité et demeurant en lui-même : car il est uni à l’étendue du monde sans s’étendre ni se diviser, et il dépasse l’étendue du monde aussi bien que celle de ses parties en les embrassant dans son unité. De même, le monde s’unit à l’être réel par toutes ses parties, autant que le lui permet sa nature, et il ne peut cependant l’embrasser tout entier ni contenir toute sa puissance. L’être réel est infini et incompréhensible pour le monde parce que, entre autres attributs, il possède celui de n’avoir aucune étendue.

XXXVIII. La grandeur du volume est une cause d’infériorité pour un corps si, au lieu de le comparer aux choses de même espèce, on le considère par rapport aux choses qui ont une essence différente : car le volume est en quelque sorte une procession de l’être

  1. Voy. § 11, 12,13 du livre VI.
  2. Le § XXXVII est un commentaire du § 5 du livre IV.