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LXXVI
PORPHYRE.

pas que la première espèce d’incorporel n’est pas semblable à la seconde, ils refusent à la première toute réalité ; ils devraient cependant reconnaitre que l’incorporel [qui subsiste hors du corps] est une autre espèce [que l’incorporel qui ne subsiste pas hors du corps], et ne pas croire que, parce qu’une espèce d’incorporel n’a pas de réalité, l’autre n’en a pas non plus[1].

Rapport de l’incorporel et du corporel.

XXXVI.[2] Toute chose, si elle est quelque part, y est d’une manière conforme à sa nature. Pour le corps qui se compose de matière et possède un volume, être quelque part, c’est être dans un lieu. Aussi, le corps du monde, étant matériel et possédant un volume, a de l’étendue et occupe un lieu. Le monde intelligible au contraire, et en général l’être immatériel et incorporel en soi, n’occupe point de lieu, en sorte que l’ubiquité (τὸ εἶναι πανταχοῦ) de l’incorporel n’est pas une présence locale. « Il n’a pas une partie ici et une partie là[3] » : car de cette manière, il ne serait pas hors de tout lieu ni sans étendue ; « partout où il est, il est tout en contenu dans tel lieu et exclu de tel autre. « Il n’est pas non plus voisin d’un lieu ni éloigné d’un autre, » parce qu’il n’y a que les choses qui occupent un lieu qui comportent des rapports de distance. Par conséquent, le monde sensible est présent à l’intelligible dans l’espace ; mais l’intelligible est présent au monde sensible sans avoir de parties ni être dans l’espace. Quand l’indivisible est présent dans le divisible, « il est tout entier dans chaque partie, » identique et numériquement un. « Si l’être indivisible et simple devient étendu et multiple, ce n’est que par rapport à l’être étendu et multiple qui le possède, non tel qu’il est réellement, mais de la manière dont il peut le posséder. » Quant à l’être étendu et multiple, il faut qu’il devienne inétendu et simple dans son rapport avec l’être naturellement étendu et simple pour jouir de sa présence. En d’autres termes, c’est conformément à sa nature, sans se diviser, ni se multiplier, ni occuper de lieu, que l’être intelligible est présent à l’être naturellement divisible, multiple et

  1. Voy. les § 25-30 du livre I de l’Ennéade VI (Des Genres de l’être), où Plotin combat la doctrine des quatre catégories de Zénon dont il est parlé p. 195 de ce volume, note 4.
  2. Le § XXXVI est un commentaire des § 2, 3, 4 du livre IV. Nous mettons entre guillemets les membres de phrase empruntés à Plotin.
  3. Voy. le § 3 du livre IV.