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LXXV
PRINCIPES DE LA THÉORIE DES INTELLIGIBLES.



SIXIÈME ENNÉADE.

LIVRE QUATRIÈME.
L’ÊTRE UN ET IDENTIQUE EST PARTOUT PRÉSENT TOUT ENTIER.[1].
De l’Incorporel.

XXXV. L’incorporel est ce que l’on conçoit par abstraction du corps ; c’est à cela qu’il doit son nom. À ce genre appartiennent, selon les Anciens, la matière, la forme sensible, quand elle est conçue séparée de la matière, les natures, les facultés, le lieu, le temps, la surface. Toutes ces choses en effet sont appelées incorporelles parce qu’elles ne sont pas des corps. Il est d’autres choses qu’on appelle incorporelles par catachrèse, non parce qu’elles ne sont pas des corps, mais parce qu’elles ne peuvent engendrer de corps. Ainsi, l’incorporel de la première espèce subsiste dans le corps ; l’incorporel de la seconde espèce est complètement séparé du corps et de l’incorporel qui subsiste dans le corps. Le corps en effet occupe un lieu et la surface n’existe pas hors du corps. Mais l’intelligence et la raison Intellectuelle [la raison discursive] n’occupent pas de lieu, ne subsistent pas dans le corps, ne constituent pas le corps, ne dépendent point du corps ni d’aucune des choses qu’on appelle incorporelles par abstraction du corps. D’un autre côté, si l’on conçoit le vide comme incorporel, l’intelligence ne peut être dans le vide. Le vide en effet peut recevoir un corps, mais il ne peut contenir l’acte de l’intelligence ni servir de lieu à cet acte. Des deux espèces d’incorporel dont nous venons de parler, les sectateurs de Zénon rejettent l’une [l’incorporel qui existe hors du corps] et admettent l’autre [l’incorporel qu’on sépare du corps par abstraction et qui n’a pas d’existence hors du corps] : ne voyant

  1. Les § XXXV-XL sont un commentaire du livre IV de l’Ennéade VI (L’être un et identique est partout présent tout entier, I).