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LXXIV
PORPHYRE.

elle sortait de la contemplation de ses propres actes, si elle cessait d’en être l’intuition, elle ne penserait plus rien. L’intelligence perçoit l’objet intelligible comme la sensation perçoit l’objet sensible, par intuition. Mais, pour contempler l’objet sensible, la sensation s’applique à ce qui est hors d’elle, parce que son objet est matériel. Au contraire, pour contempler l’objet intelligible, l’intelligence se concentre en elle-même au lieu de s’appliquer à ce qui est hors d’elle. De là vient que quelques philosophes ont pensé qu’il n’y avait entre l’intelligence et l’imagination qu’une différence nominale : car ils croyaient que l’intelligence était l’imagination de l’animal raisonnable ; comme ils voulaient que tout dépendît de la matière et de la nature corporelle, ils devaient naturellement en faire dépendre aussi l’intelligence. Mais notre intelligence contemple d’autres essences que les corps. Donc [dans l’hypothèse de ces philosophes] elle contemplera ces essences placées dans quelque lieu. Mais ces essences sont hors de la matière ; par conséquent, elles ne sauraient être dans un lieu. Il est donc évident qu’il faut placer les intelligibles dans l’intelligence.

Si les intelligibles sont dans l’intelligence, l’intelligence contemplera les intelligibles et se contemplera elle-même en les contemplant ; en se comprenant elle-même, elle pensera, parce qu’elle comprendra les intelligibles. Or les intelligibles forment une multitude (car l’intelligence pense une multitude d’intelligibles[1], et non une unité) ; donc elle est multiple. Mais le multiple suppose avant lui l’Un ; par conséquent, il est nécessaire qu’au-dessus de l’Intelligence il y ait l’Un.

XXXIV.[2] La substance intellectuelle est composée de parties semblables, de telle sorte que les essences existent à la fois dans l’intelligence particulière et dans l’intelligence universelle. Mais, dans l’intelligence universelle, les essences particulières elles-mêmes sont conçues universellement ; dans l’intelligence particulière, les essences universelles sont, conçues particulièrement aussi bien que les essences particulières.


  1. Voy. § 10-12 du livre III.
  2. Le § XXXIV se rapporte au § 5 du livre III.