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DEUXIÈME ENNÉADE, LIVRE IX.

et pour rentrer dans leur primitive union avec l’Être suprême ; alliance d’une âme pure et divine avec une âme irraisonnable qui est le siége des mauvais désirs ; anges ou démons qui habitent ou gouvernent les planètes, n’ayant qu’une connaissance imparfaite des idées qui ont présidé à la création[1] ; régénération de tous les êtres par leur retour vers le monde intelligible et son chef, l’Être suprême, seule voie possible pour le rétablissement de cette primitive harmonie de la création dont la musique sphérique de Pythagore fut une image : voilà les analogies des deux systèmes.

Ce qu’il y a peut-être de plus frappant dans ce curieux parallélisme, c’est la ressemblance qu’offre l’état de l’âme dans ce monde, d’après le Phèdre, et la situation de la Sophia [Achamoth] détachée du Plérôme par suite de ses égarements, d’après la doctrine gnostique[2]. »

Qu’il y ait des analogies entre le Platonisme et le Gnosticisme, c’est un point incontestable. Mais il ne suffit pas de les constater pour résoudre la question soulevée par Plotin. Il faut encore examiner s’il est possible que les fondateurs du Gnosticisme aient puisé dans les écrits mêmes de Platon les principes de leur système. Or un examen attentif des faits conduit aux conclusions suivantes :

Les fondateurs du Gnosticisme, Simon le Magicien[3], Cérinthe[4], etc., n’ont évidemment pas emprunté leurs principes à Platon, mais ils ont pu s’inspirer soit des Kabbalistes, soit de Philon ;

Leurs successeurs, Basilide, Valentin, etc., n’étudièrent probablement le Platonisme que dans les écrits de Philon, lesquels sont pleins d’idées complètement étrangères à la philosophie grecque[5] ;

Bien loin de voir dans Pythagore et dans Platon les auteurs de leurs doctrines, beaucoup de Gnostiques les regardaient au contraire comme des plagiaires[6] : ceci résulte formellement du pas-

  1. Il n’y a rien de pareil sur les démons dans le Timée. Ici, comme dans la phrase suivante, M. Matter prête à Platon des idées qui n’appartiennent qu’aux Gnostiques.
  2. Nous avons signalé cette analogie plus haut, p. 509, note 2.
  3. Voy. M. Franck, La Kabbale, p. 341-345.
  4. Voy. M. Matter, t. I, p. 296-306.
  5. M. Franck, La Kabbale, 3e partie, chap. 3.
  6. En cela les Gnostiques ne faisaient que suivre l’opinion d’Aristobule, de Philon et de plusieurs Pères de l’Église, d’après lesquels les philosophes grecs auraient puisé leur science dans les livres de Moïse (Voy. M. Franck, La Kabbale, p. 269). Au reste, Porphyre lui-même affirme, en se fondant sur d’anciens auteurs, Cléanthe, Antiphon, Timée, Diogène, etc., que Pythagore avait visité, pour s’instruire, les Égyptiens, les Chaldéens, les Phéniciens et même les Hébreux (Vie de Pythagore, p. 4-8). D’après une tradition constante chez les