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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

« Ils prétendent qu’ils sont spirituels parce qu’une particule du Père de toutes choses a été déposée dans leurs âmes. Ce germe leur donne la science et la perfection. »

Il est regrettable que Plotin, en développant aussi peu les objections qu’il adresse aux Gnostiques au sujet de leur doctrine sur l’incarnation du Verbe, n’ait pas mieux indiqué la différence qu’il établissait sans doute à cet égard entre eux et les catholiques. Heureusement, pour suppléer au silence que notre auteur a gardé sur ce point, nous avons un fragment précieux qui nous a été conservé par Eusèbe. C’est un morceau de cet Amélius même, qui, à l’instigation de Plotin, écrivit quarante livres contre les Gnostiques pour démontrer contre eux que les Révélations de Zostrien étaient un livre apocryphe (p. 492). Voici comment il s’exprimait au sujet de la doctrine chrétienne du Verbe, en l’interprétant dans le sens de la philosophie néoplatonicienne :

« Ce principe était le Verbe, selon lequel toutes choses ont été faites de toute éternité, comme le pensait Héraclite ; et c’était en ce sens que le Barbare [saint Jean] a pu dire que le Verbe occupe auprès de Dieu le rang et la dignité d’un principe et qu’il est Dieu même, ajoutant que c’est par lui que tout se fait et que c’est en lui que subsiste et que vit toute créature[1] ; qu’il tombe dans les corps et qu’y revêtant une chair il prend la forme humaine, de manière pourtant à laisser entrevoir la majesté de sa nature ; puis, après s’être délivré de cette enveloppe corporelle, il reprend sa nature divine dans toute sa pureté et redevient Dieu, comme il était avant d’être descendu dans le corps, dans la chair et dans l’homme. » (Préparation évangélique, II, 19.)

Terre étrangère. — « Comment, dit Plotin dans le second des passages que nous commentons, cette Raison du monde que les Gnostiques appellent la Terre étrangère, et qui, comme ils le disent, a été produite par les Puissances supérieures, n’a-t-elle pas conduit ses auteurs à incliner ? »

L’expression de Terre étrangère peut recevoir plusieurs sens qu’il est nécessaire de définir exactement pour l’intelligence des objections que Plotin adresse aux Gnostiques dans divers passages du livre ix.

D’abord la Terre étrangère est, comme la Terre nouvelle, l’Église spirituelle des Gnostiques personnifiée en son chef, Jésus, ou la Raison du monde, ainsi qu’on l’a vu plus haut (p. 524).

Dans ce cas, l’expression de Terre étrangère signifie que les

  1. Comparez cette phrase au passage de l’Ennéade V, cité p. 329-330.