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DEUXIÈME ENNÉADE, LIVRE IX.

disposition et de leur nature[1], peuvent être sauvés et recevoir la raison parfaite[2] ; » (Origène, t. XII, p. 187 ; t. XV, p. 227.)

En interprétant d’après ces idées le passage de Plotin que nous traduisons, il paraît signifier que « l’auteur du Paradigme [Bythos] a tiré du monde le Paradigme [l’Église spirituelle personnifiée en Jésus] en dépouillant la Forme de la Matière [par la rédemption pneumatique, c’est-à-dire par la connaissance de la grandeur ineffable de Bythos, connaissance que Jésus est venu apporter en ce monde aux pneumatiques, et qui, dès cette vie, les élève au Plérôme[3]]. »

Quant à cette objection de Plotin : « L’expérience que les âmes avaient acquise dans leurs épreuves antérieures suffisait [sans la rédemption pneumatique] pour leur apprendre à faire leur salut [à ne pas descendre ici-bas], » elle fait allusion à la doctrine de la métempsycose qu’admettaient les Gnostiques[4], et elle doit être rapprochée d’une phrase qu’on retrouve dans le § 4, p. 267 : « Si l’Âme attend les âmes individuelles [c’est-à-dire si, pour détruire le monde et passer dans le Plérôme, Achamoth attend que toutes les âmes individuelles soient arrivées à la perfection], celles-ci auraient dû ne pas revenir dans la génération, puisque, dans la génération antérieure, elles ont déjà fait l’épreuve des maux d’ici-bas, et que, par conséquent, elles auraient depuis longtemps dû cesser de descendre sur la terre. »

Forme du monde. — « Si les Gnostiques, dit Plotin à la fin du passage que nous commentons, prétendent avoir reçu dans leurs âmes la Forme du monde, que signifie ce nouveau langage ? »

On a vu plus haut que les élus ont reçu dans leurs âmes des germes pneumatiques, émanés du Plérôme (c’est-à-dire des anges qui étaient les satellites de Jésus et auxquels Achamoth s’est unie), et marqués du sceau de l’Église supérieure[5]. C’est en ce sens que les Gnostiques prétendaient avoir reçu dans leurs âmes la Forme du monde ou le Verbe, c’est-à-dire une émanation du Plérôme.

Plotin est ici complètement d’accord avec saint Irénée, qui dit à ce sujet (II, 19) :

  1. « La nature des élus, disait Héracléon, est uniforme, unique et incorruptible. » (Origène, t. XVII, p. 244.)
  2. Voy. p. 517.
  3. Voy. p. 283, note 2 ; p. 285, note 2. Héracléon disait : « De même que le pneumatique a son autre moitié dans la région des Intelligences supérieures, moitié avec laquelle il doit s’unir un jour, de même il reçoit du Sauveur la force d’entrer dès à présent, par une vie spirituelle, dans cette heureuse syzygie. » (Origène, t. XIII, p. 11.)
  4. Sur la métempsycose, Voy. p. 538.
  5. Voy. plus haut, p. 513, 517.