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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

son, si le Paradigme a été créé afin que les âmes demeurassent en lui et fussent sauvées par lui en en recevant la Gnose, elles sont cependant descendues ici-bas par ignorance au lieu de rester dans le Paradigme. Voilà pourquoi Plotin dit encore, § 16, p. 303 : « Les Gnostiques prétendent que la Providence divine ne s’occupe que d’eux-mêmes [en leur qualité de pneumatiques]. Est-ce pendant qu’ils vivaient là-haut [dans le Paradigme], ou seulement depuis qu’ils vivent ici-bas ? Dans le premier cas, pourquoi sont-ils descendus sur la terre ? Dans le second, pourquoi y restent-ils ? »

Saint Irénée adresse aux Valentiniens une objection semblable à celle de Plotin : « Puisque le Père suprême a été connu, quand il l’a voulu, non-seulement par les Éons, mais encore par les hommes de ces derniers temps, et que, s’il n’a pas été connu dans l’origine, c’est qu’il ne l’a pas voulu, la cause de l’ignorance est, selon vous, la volonté du Père suprême. S’il prévoyait ce qui devait arriver aux Éons, pourquoi n’a-t il pas prévenu leur ignorance, que, par une espèce de repentir, il guérit ensuite par la production du Christ ? » (S. Irénée, II, 17.)

Passons maintenant à une autre phrase du texte de Plotin :

« Si c’est après le monde [qu’a été créé le Paradigme], si son auteur l’a tiré du monde en dépouillant la Forme de la Matière, l’expérience que les âmes avaient acquise dans leurs épreuves antérieures suffisait pour leur apprendre à faire leur salut [à ne pas descendre ici-bas]. »

Dans ce passage, la Forme du monde est l’Éon, dans lequel Plotin personnifie, comme nous l’avons déjà dit plus haut (p. 524), l’Église spirituelle, c’est-à-dire l’ensemble des pneumatiques qui, à la fin des temps, sortiront du Monde visible, et qui, s’étant dépouillés de leurs corps (condamnés à périr avec toute la matière), et de leurs âmes (destinées à jouir du repos dans la Région moyenne), étant devenus des esprits intellectuels, rentreront dans le Plérôme[1].

Héracléon disait à ce sujet : « Jésus est venu dans le monde pour chercher et sauver ce qui appartenait au Père et qui était perdu dans la matière profonde de l’erreur (ἐν τῇ βαθείᾳ ὕλῃ τῆς πλὰνης), afin que le Père soit connu et adoré par les siens... C’est le Moissonneur qui récolte les épis mûrs et les met dans la grange[2], c’est-à-dire qui introduit dans le repos par la foi les esprits qui, en vertu de leur

  1. Voy. p. 518. Les Gnostiques fondaient leur théorie sur ce principe : « Les semblables se réunissent aux semblables. » (S. Irénée, II, 29.) Voilà pourquoi ils enseignaient que les pneumatiques doivent seuls entrer dans le Plérôme.
  2. Voy. l’Évangile selon saint Jean, iv, 35-38.