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DEUXIÈME ENNÉADE, LIVRE IX.

Taylor s’écarte de Ficin dans la traduction du membre de phrase ἵνα φυλὰζωνται αἱ ψυχαὶ et il met : « Was it in order that souls might be saved ? »

Nous avons adopté ce sens. Seulement, nous nous éloignons de Ficin plus que Taylor en ce que nous sous-entendons partout παράδειγμα et non pas ϰόσμος parce que tout le raisonnement de Plotin roule, non sur la création du monde, mais sur la création du Paradigme. C’est le seul sens qui soit conforme à l’enchaînement des idées et au système même des Gnostiques. En effet, Plotin dit au § 10, p. 287 : « Les autres âmes sont descendues ensemble ici-bas [avec l’Âme ou Sophia] ainsi que les membres de la Sagesse [les germes pneumatiques], et sont entrées dans des corps. » Elles existaient donc dans le Paradigme avant d’entrer dans des corps. Leur descente dans ce monde étant une chute[1], Plotin demande pour quelle rai-

  1. « D’après les Kabbalistes, ainsi que d’après Philon et Origène, les âmes ne sont ici-bas que par suite d’une faute qu’elles ont commise dans une vie antérieure quand elles habitaient le Paradis : « Selon les Kabbalistes, dit M. Franck, Adam et Ève, avant d’avoir été trompés par les ruses du serpent, n’étaient pas seulement affranchis des besoins du corps, mais ils n’avaient pas de corps, c’est-à-dire ils n’appartenaient pas à la terre. Ils étaient l’un et l’autre de pures intelligences, des esprits bienheureux comme ceux qui habitent le séjour des élus. C’est là ce que signifie cette nudité avec laquelle l’Écriture nous les représente au milieu de leur innocence ; et quand l’historien sacré nous raconte que le Seigneur les vêtit de tuniques de peau, cela veut dire que, pour leur permettre d’habiter ce monde, vers lequel les portait une curiosité imprudente ou le désir de connaître le bien et le mal, Dieu leur donna un corps et des sens. Voici l’un des nombreux passages où cette idée, adoptée aussi par Philon et par Origène, se trouve exposée d’une manière assez claire : « Avant d’avoir péché, Adam n’écoutait que cette sagesse dont la lumière vient d’en haut ; il ne s’était pas encore séparé de l’arbre de vie. Mais quand il céda au désir de connaître les choses d’en bas et de descendre au milieu d’elles, alors il en fut séduit, il connut le mal et il oublia le bien ; il se sépara de l’arbre de vie..... Lorsqu’Adam, notre premier père, habitait le Jardin d’Éden, il était vêtu, comme on l’est dans le ciel, d’un vêtement fait avec la lumière supérieure. Quand il fut chassé du jardin d’Éden et obligé de se soumettre aux nécessités de ce monde, alors qu’arriva-t-il ? Dieu, nous dit l’Écriture, fit pour Adam et pour sa femme des tuniques de peau dont il les vêtit : car, auparavant, ils avaient des tuniques de lumière, de cette lumière supérieure dont on se sert dans l’Éden. » (M. Franck, La Kabbale, p. 254). C’est par une conception analogue que Valentin disait qu’Adam, avant de descendre ici-bas, était demeuré dans le Paradis [le quatrième Ciel] et que le Démiurge lui avait fait ensuite une tunique de peau, c’est-à-dire un corps (p. 517).