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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

« Si le créateur du Paradigme s’est beaucoup occupé du monde pour faire un monde inférieur au monde intelligible qu’il possédait, quel besoin en avait-il ? »

L’objection de Plotin porte ici sur l’harmonie que les Gnostiques prétendaient établir entre le Paradigme et le Monde, et l’on trouve à ce sujet dans saint Irénée (II, 15) un passage très-propre à éclaircir la pensée de notre auteur :

« Si l’on demande aux Gnostiques pourquoi le Plérôme, dont ils disent que la Création est l’image, est composé d’une Ogdoade, d’une Décade et d’une Dodécade, ils ne pourront rien nous répondre ; ils seront donc obligés d’avouer que c’est sans raison que le Père a donné une pareille forme au Plérôme, et ils seront ainsi amenés à nier sa Providence s’ils reconnaissent qu’il a fait quelque chose sans raison. Ou bien ils diront que le Plérôme a été produit par la Providence du Père pour qu’il y eût de l’harmonie dans la Création. Dans ce cas, le Plérôme n’aura pas été produit pour lui-même, mais pour la Création qui devait en être l’image, et la Création sera plus honorée que le Plérôme si celui-ci n’a été produit que pour elle. »

Plotin ajoute :

« Si c’est avant le monde [qu’a été créé le Paradigme], dans quel but l’a-t-il été ? Était-ce pour que les âmes fussent sauvées [restassent dans le Paradigme au lieu de descendre ici-bas] ? Pourquoi donc n’ont-elles pas été sauvées [ne sont-elles pas restées dans le Paradigme] ? Dans cette hypothèse, [le Paradigme] a été créé inutilement. »

Tout ce raisonnement de Plotin est fort obscur, par suite de sa concision. Ficin, dont la traduction est ailleurs excellente, paraît ne pas avoir compris les allusions de Plotin, parce qu’il ne connaissait pas le système des Gnostiques, comme on le voit assez par son commentaire.

Voici le texte de Plotin :

Καὶ εἰ μὲν πρὸ τοῦ ϰόσμου, ἵνα τί ; ἵνα φυλάζωνται φυχαί ; πῶς οὕν οὐϰ ἐφυλάξαντο, ὥστε μὰτηρ ἐγένετο ;

Ficin traduit : « Et si ante mundum id jam curabat, cujusnam gratia id decernebat ? forsan ut animæ ipsæ custodirent ? Cur igitur non custodiverunt ? Unde frustra factus est mundus. »

    tiques pensent que le Démiurge n’est devenu la Cause créatrice que par suite d’une inclination et d’un changement. » Tertullien exprime la même idée par le mot nutus : « De Patris nutu aiunt factum [Nûn], volentis omnes in desiderium sui accendi. » (Adversus Gnosticos, 9.)