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DEUXIÈME ENNÉADE, LIVRE IX.

ou Verbe du monde (λόγος τοῦ ϰόσμου) : car il est, comme le dit Plotin (§ 1, p. 259, 261), « la Raison qui est descendue de l’Intelligence dans l’Âme et l’a rendue intellectuelle, » c’est-à-dire qui a donné à Achamoth la forme de la science pour qu’elle créât le monde par le ministère du Démiurge (p. 513-515).

On a vu aussi p. 515, que toutes les choses créées ont été faites en l’honneur des Éons, c’est-à-dire qu’elles en sont les images (εἰϰόνες), les empreintes[1] (ἀντίτυποι). Sous ce rapport, le Plérôme est le Paradigme du monde. Mais le nom de Paradigme du monde s’applique également bien à Jésus, puisque c’est lui qui a communiqué à Achamoth et au Démiurge la connaissance des Éons, en d’autres termes, les idées d’après lesquelles ils ont fait toutes choses.

Ces termes de Raison du monde et de Paradigme du monde sont expliqués dans le passage suivant de Philon, dont la doctrine a beaucoup d’analogie avec celle des Gnostiques :

« Pour parler sans images, le Monde intelligible n’est pas autre chose que la Raison de Dieu créant le monde (ὁ θεοῦ λόγος ϰοσμοποιοῦντος). En effet, cette cité idéale n’est que la Conception de l’architecte songeant à construire en réalité la cité intelligible (ὁ τοῦ ἀρχιτέϰτονος λογισμὸς ἤδη τὴν νοητὴν πόλιν ϰτίζειν διανοουμένου). La Raison de Dieu est le Paradigme suprême (τὸ ἀρχέτυπον παράδειγμα), l’Idée des idées (ἰδέα τῶν ἰδέων), » (De Creatione mundi, 6.)

Nous allons maintenant essayer d’expliquer le sens des objections que Plotin adresse aux Gnostiques au sujet du Paradigme :

« Quel besoin les Gnostiques ont-ils d’aller habiter dans le Paradigme de ce monde qu’ils haïssent ? D’où provient d’ailleurs ce Paradigme ? Selon eux, le Paradigme n’a été créé que lorsque son auteur a incliné vers les choses d’ici-bas. »

Bythos a produit le Plérôme lorsqu’il a résolu de se manifester, et les Éons, pour l’honneur et la gloire de Bythos, ont produit eux-mêmes Jésus, afin qu’en lui fussent fondées toutes les choses, soit visibles, soit invisibles (p. 500, 508). Ainsi, la production du Paradigme a eu pour conséquence la production du Monde visible. C’est pour cela que Plotin dit que « le Paradigme n’a été produit que lorsque son auteur [Bythos] a incliné vers les choses d’ici-bas [c’est-à-dire a voulu produire le monde][2]. »

  1. D’après les Kabbalistes, tous les êtres portent l’empreinte de Dieu, tous sont les symboles de son intelligence : « Dieu, dit le Zohar, est le commencement et la fin de tous les degrés de la création ; tous ces degrés sont marqués de son sceau. » (M. Franck, La Kabbale, p. 160, 216.) Voy. encore plus loin, p. 534.
  2. Plotin dit dans le même sens, § 8, p. 772 : « Les Gnos-