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DEUXIÈME ENNÉADE, LIVRE IX.

La destinée de l’homme est de se perfectionner en dégageant peu à peu son esprit de la matière dans les existences successives par lesquelles il doit passer pour retourner au Plérôme.

Quand tous les esprits seront arrivés à la perfection, le but de la Providence étant atteint, le monde sera détruit, la matière sera anéantie, les âmes jouiront du repos, et les esprits rentreront dans le sein de Dieu dont ils sont sortis.

« Après avoir formé le monde, le Démiurge fit aussi l’homme matériel ; il le tira, non de la terre aride, mais d’une essence invisible, d’une matière flexible et fluide, puis, soufflant sur lui, il introduisit en lui l’homme psychique [c’est-à-dire il lui donna une âme.] Tel est l’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu : en tant qu’il est fait à l’image de Dieu, il est hylique et se rapproche de lui, mais ne lui est pas consubstantiel ; en tant qu’il est fait à la ressemblance de Dieu, il est psychique : de là vient que son essence est appelée esprit de vie, parce qu’elle provient d’une émanation spirituelle (ἐϰ πνευματιϰῆς ἀποῤῥοίας). Enfin le Démiurge revêtit l’homme d’une tunique de peau, c’est-à-dire lui donna un corps visible[1].

Le Démiurge ne connut pas le germe que Achamoth avait enfanté par la contemplation des satellites du Sauveur, germe qui était consubstantiel à Achamoth et par conséquent spirituel. Ce germe fut déposé dans le Démiurge à son insu, afin qu’introduit par lui dans l’âme qu’il avait donnée à l’homme, et porté dans ce corps matériel comme dans le sein d’une femme, il s’y développât et devint apte à recevoir la raison (ou la parole) parfaite. Ainsi, par une providence et une vertu ineffables, Achamoth, à l’insu du Démiurge, introduisit dans le corps l’homme pneumatique avec le souffle du Démiurge [c’est-à-dire avec l’homme psychique][2]. Car le Démiurge, qui ne connaissait pas sa mère, ne connaissait pas non plus son germe. Les Valentiniens appellent ce germe l’Église[3], et disent que c’est l’empreinte du sceau de l’Église supérieure (αντίτυπος[4] τῆς ἄνω Ἐϰϰλησίας). Ils prétendent que l’homme, tel qu’il

  1. « Adam est revêtu du quatrième homme, dit Théodoret, c’est-à-dire de l’homme terrestre ; c’est là ce qu’il faut entendre par la tunique de peau. »
  2. « Achamoth, dit Théodoret, produisit le germe spirituel qui était dans Adam, afin que son os (c’est-à-dire son âme raisonnable et céleste) ne fût pas vide, mais plein de moelle spirituelle. » Les Valentiniens comparaient l’âme aux os du corps.
  3. Théodoret ajoute : « qui est la race élue. » En effet, les Valentiniens disaient que le germe qu’ils avaient reçu d’Achamoth était une semence d’élection.
  4. L’expression d’ἀντίτυπος semble faire allusion à un verset de S. Paul : « Qui et signavit nos, et dedit pignus Spiritûs in cordibus nostris. » (Ad Corinthios, II ; i, 22.)