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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

fut sa mère elle-même qui lui suggéra cette opinion, parce qu’elle voulut qu’il fût ainsi le chef et le principe de son essence propre [l’essence psychique] et le Seigneur de toute la création. Les Valentiniens donnent à la mère du Démiurge les noms d’Ogdoade, de Sophia [inférieure], de Terre, de Jérusalem[1], de Pneuma (Esprit-Saint)[2], de Seigneur (au masculin) ; ils disent qu’elle habite la Région moyenne (ὁ τῆς μεσότητος τόπος), au-dessus du Démiurge, mais au-dessous ou hors du Plérôme, jusqu’à la consommation des temps.

L’essence matérielle avait été constituée par trois passions, la crainte, la tristesse et la perplexité. 1° Les êtres psychiques doivent leur substance à la crainte et à la conversion [d’Achamoth] : la conversion donna naissance au Démiurge ; la crainte, aux autres substances psychiques, aux âmes des brutes, des bêtes féroces et des hommes. C’est pourquoi le Démiurge, étant incapable de connaître les êtres pneumatiques, s’imagina qu’il était seul Dieu et dit par la bouche des prophètes : « Je suis Dieu, et il n’y a pas d’autre Dieu que moi. » 2° De la tristesse naquirent les mauvais esprits (τὰ πνευματιϰὰ τῆς πονηρίας), le Diable, que les Valentiniens nomment Cosmocrator (Prince de ce monde), les démons, les anges, et en général toutes les substances qui forment les mauvais esprits. Le Démiurge est le fils d’Achamoth, et le Cosmocrator est la créature du Démiurge. Le Cosmocrator connaît les choses supérieures, parce qu’il est un mauvais esprit ; le Démiurge au contraire les ignore parce qu’il est un être psychique. Enfin la mère du Démiurge habite la Région supra-céleste ou moyenne ; le Démiurge, la Région céleste ou l’Hebdomade ; le Cosmocrator, notre monde. 3° De la perplexité, passion la moins noble, naquirent, comme nous l’avons dit, les éléments corporels du monde, la terre, l’eau et l’air. Enfin, dans tous ces éléments est caché le feu, principe de mort et de destruction, comme l’ignorance est cachée dans les trois passions [la crainte, la tristesse et la perplexité]. » (S. Irénée, I, 6.)

D. Nature et destinée de l’homme.

Selon Valentin, l’homme est formé de trois essences : l’esprit, l’âme, la matière vivante. La prédominance naturelle d’une des trois essences constitue trois classes d’hommes, les pneumatiques ou spirituels, les psychiques ou animiques, les hyliques ou matériels.

  1. Voy. p. 524.
  2. Voy. p. 509.