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DEUXIÈME ENNÉADE, LIVRE IX.

des êtres nés de la passion d’Achamoth, c’est-à-dire êtres matériels que les Valentiniens appellent êtres de gauche. C’est le Démiurge qui, secrètement dirigé par Achamoth, forma tous les êtres qui furent engendrés par lui. Aussi les Valentiniens l’appellent-ils Metropator, Apator, Père et Démiurge : Père des êtres de droite, c’est-à-dire des psychiques, Démiurge des êtres de gauche, c’est-à-dire des hyliques, enfin Roi de toutes choses. En effet Achamoth, voulant faire toutes choses en l’honneur des Éons, fit leurs images (βουληθεῖσαν εἰς τιμὴν τῶν Αἰωνων τὰ πάντα ποῆσαι, εἰϰόνας πεποιηϰέναι αὐτῶν) ; ou plutôt ce fut le Sauveur qui les fit par son entremise[1]. Achamoth fut elle-même l’image du Père invisible [Bythos] parce qu’elle resta inconnue au Démiurge : le Démiurge fut l’image de Monogenes (Noûs) ; enfin les Archanges et les Anges engendrés par lui furent les images des autres Éons.

Les Valentiniens appellent le Démiurge le Père et le Dieu des êtres qui sont hors du Plérôme, parce qu’il a fait tous les êtres psychiques et hyliques. En effet, ayant séparé les deux essences psychique et hylique, et rendant corporelle la substance incorporelle, il fit les êtres qui sont célestes ou terrestres, psychiques ou hyliques, de droite ou de gauche, légers ou pesants. Il forma Sept Cieux sur lesquels il domine ; c’est pourquoi les Valentiniens donnent le nom d’Hebdomade au Démiurge, et celui d’Ogdoade à sa mère Achamoth laquelle représente le nombre de l’Ogdoade primitive et première du Plérôme. Selon les Valentiniens, les Sept Cieux formés par le Démiurge sont des êtres intellectuels (νοεροὶ), des Anges ; le Démiurge est lui-même un ange semblable à Dieu ; enfin le Paradis, supérieur au troisième Ciel, est le quatrième ange sous le rapport de la puissance, et Adam a pris quelque chose de la nature de cet ange en demeurant avec lui.

Selon les Valentiniens, le Démiurge s’imagina qu’il avait fait toutes ces choses par lui-même[2] ; mais il fut guidé par Achamoth qui réalisait ainsi les idées [qu’elle avait reçues du Sauveur[3]]. En effet, il fit le ciel, forma l’homme, et façonna le globe terrestre. Il ignorait les formes (ἰδέαι) de toutes les choses qu’il fit ; il ne connaissait point sa mère elle-même, et il croyait que lui seul était tout. Ce

  1. Voy. plus haut, p. 513, note 2.
  2. Théodoret dit à ce sujet : « Le Démiurge ne connaissait pas Achamoth à laquelle il servait d’instrument ; il croyait tout faire en vertu de sa propre puissance parce qu’il était actif. »
  3. Comme Achamoth, qui dirigeait le Démiurge dans ses créations, tenait elle-même ses idées de Jésus, le Démiurge fut en réalité l’instrument de Jésus, comme le disait Héracléon. Voy. plus haut, p. 513, note 2.