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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

Valentiniens, l’origine de ce mot. Achamoth n’ayant pu, à cause de la passion à laquelle elle était en proie, franchir la barrière que lui opposait Horos, et étant demeurée seule hors du Plérôme, elle éprouva une passion complexe : car elle ressentit de la tristesse parce qu’elle n’avait rien saisi ; de la crainte, parce qu’elle redoutait d’être privée de l’existence comme elle avait été privée de la lumière ; de la perplexité, à cause de toutes ces choses ; et cette tristesse, cette crainte, cette perplexité avaient pour cause l’ignorance. En outre, il lui arriva une autre affection : ce fût sa conversion (ἐπιστροφὴ)[1], vers l’Éon auquel elle devait l’existence. C’est ainsi que fut constituée l’essence de la matière dont ce monde a été composé : car la conversion d’Achamoth donna naissance à l’âme du Démiurge et aux autres âmes ; sa crainte et sa tristesse [ses passions], aux éléments corporels du monde....

Après avoir été plongée dans toute espèce de passions et s’être vu peu relevée avec peine, Achamoth implora la lumière qui l’avait abandonnée, c’est-à-dire Christos. Celui-ci, qui était remonté au Plérôme, ne voulut pas en descendre une seconde fois : il envoya à Achamoth le Paraclet ou Sauveur (Jésus). Le Père et les Éons lui accordèrent tout pouvoir et soumirent tout à son empire, « afin qu’en lui fussent fondées toutes choses, soit visibles, soit invisibles, les Trônes, les Déités, les Dominations[2]. » Les anges, qui étaient nés en même temps que le Sauveur, lui servirent d’escorte. Frappée de respect en sa présence, Achamoth se voila d’abord chastement. Puis, l’ayant considéré ainsi que tous les fruits[3] (σὺν ὅλῃ


    laires de baptême employés par les Gnostiques : Christos le Sauveur, qui délivre notre âme de ce monde et de tout ce qu’il renferme, au nom de Iao, et qui nous a rachetés au prix de son âme, est Jésus le Nazaréen. » Voy. M. Matter, t. II, p. 343.

  1. L’idée et l’expression de conversion sont platoniciennes. Voy. plus haut, p. 348.
  2. C’est une idée empruntée à un passage de saint Paul : « Qui est imago Dei invisibilis, primogenitus omnis creaturæ : quoniam in ipso condita sunt universa in cœlis et in terra, visibilia et invisibilia, sive Throni, sive Principatus sive Potestates ; omnia enim per ipsum et in ipso creata sunt. » (Ad Colossenses, i, 15, 16.) Les Gnostiques remplaçaient Principatus par Deitates et désignaient par ce nom le Démiurge, les anges et les archanges de l’Ogdoade inférieure.
  3. L’expression mystique de fruits désigne les formes intelligibles ou idées que Jésus avait reçues de tous les Éons et dont il communiqua la connaissance à Achamoth en lui donnant une vertu, c’est-à-dire la forme de la science. Théodoret dit à ce sujet : « Les Valentiniens donnent à Jésus le nom de Paraclet, parce qu’il vint [à Achamoth] plein des Éons (πλήρης τῶν Ἀλώνων), vu qu’il était émané de tout le Plérôme. »