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DEUXIÈME ENNÉADE, LIVRE IX.

enfin le Monde n’est pas seulement inférieur à Dieu, il doit sa création à une chute (ὑστέρημα), il est le fruit du péché (d’Achamoth[1]) et la production de l’ignorance (du Démiurge)[2].

Cependant, tout ce que le monde contient de réel et de parfait procède des Éons du Plérôme, en tient son essence et sa forme d’une façon médiate ou immédiate. En effet, il y a trois essences, l’essence spirituelle, l’essence animique, l’essence matérielle, dont les types sont Achamoth, le Démiurge et Satan ; or l’essence matérielle et l’essence animique émanent de l’essence spirituelle, qui est elle-même consubstantielle à l’essence des Éons. Ensuite, les formes des êtres sont dérivées l’une de l’autre comme les essences, en sorte que la créature offre toujours l’image du principe créateur et porte l’empreinte de son sceau[3] : l’esprit doit sa forme aux Éons du Plérôme, l’âme à l’esprit, et l’être matériel à l’âme ; ou, pour employer les termes mêmes de Valentin, Achamoth a reçu de Christos la forme de l’essence et de Jésus la forme de la science, le Démiurge est le fils d’Achamoth, et Satan est la créature du Démiurge.

Il en résulte qu’il y a quatre mondes : le Plérôme ou monde divin (Bythos et les Éons), la Région intermédiaire ou monde céleste (Achamoth et les esprits), le Monde planétaire (le Démiurge et les âmes), le Monde terrestre (Satan, les êtres matériels et les mauvais esprits)[4].

Voici ce que S. Irénée dit sur les Éons qui, dans le système de Valentin, ont principalement concouru à la création du monde.

1. Sophia supérieure.

« Propator n’était connu que de son fils Monogenes, c’est-à-dire de Noûs ; demeurait invisible et incompréhensible pour les autres Éons. Seul Noûs avait le plaisir de contempler le Père parfait, de concevoir son immensité, et il méditait de communiquer aux autres Éons la connaissance de la grandeur du Père, de leur révéler qu’il n’a point de principe, qu’il est immense, invisible et incompréhen-

  1. Achamoth est un mot hébreu qui signifie Sagesse.
  2. Voy. S. Irénée, II, 6.
  3. Voy. p. 525.
  4. Ces quatre mondes correspondent aux quatre mondes appelés par les Kabbalistes : Azilouth, monde de l’émanation (les Sephiroth) ; Olam Bériah, monde de la création (les esprits) ; Olam Jetzirah, monde de la formation (les anges résidant dans l’espace occupé par les planètes et les corps célestes) ; Olam Aziah, monde de la fabrication (les êtres terrestres et les mauvais esprits). Voy. M. Franck, La Kabbale, p. 119, 197, 224, 351 ; M. Matter, t. I, p. 148.