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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

« Moïse représente le Verbe divin comme rempli par le fleuve de la Sagesse (πλήρης τοῦ σοφίας νάματος ὁ θεῖος λόγος), comme n’ayant aucune partie vide de lui-même... Le Verbe divin est réellement plein de lui-même (πλήρης αὐτὸς ἑαυτοῦ). » (De Somniis ; Quis rerum divin. hœr.)

C. Création du monde, Sophia, Achamoth, Jésus, Démiurge, Satan.

La théorie que les Gnostiques professaient sur la création du monde est le développement de cette idée que Dieu s’est manifesté par une expansion graduelle de l’être et de la pensée, que la Matière est la limite infime de la puissance divine et l’origine du mal.

Cette idée est commune aux Kabkalistes[1], aux Néoplatoniciens[2] et aux Gnostiques. Mais ces derniers se distinguent des autres en ce que, pour rendre Dieu complètement étranger à l’existence du mal, ils établissent entre le premier et le dernier terme de l’échelle des êtres, entre l’Esprit et la Matière, un abîme infranchissable qui rend impossible tout rapport entre eux sans des intermédiaires. Pour eux, Dieu n’est pas seulement distinct du Monde, il en est entièrement séparé[3] : en effet, tandis que Dieu réside avec les Éons dans la région lumineuse du Plérôme, le monde est confiné hors de lui dans la région ténébreuse du Cénôme, comme une tache dans un manteau[4] ;


    tiques qui ont précédé Valentin : « Jean, disciple de Notre Seigneur, voulait par la prédication de l’Évangile détruire l’erreur répandue par Cérinthe et auparavant par les Nicolaïtes, une des sectes qui s’arrogent le nom de Gnostiques... Dans le but de les confondre et d’expliquer qu’il n’y a qu’un Dieu qui a tout dit par son Verbe, il commença son Évangile en ces termes : « In principe erat Verbum et Verbam erat apud Deum, et Deus erat Verbum. Hoc erat in principio apud Deum. Onmia par ipsum facta sunt, et sine ipso factum est nihil quod factum est. In ipso vita erat, et vita erat lux hominum ; et lux in tenebris lucet, et tenebræ eam non comprehenderunt (I, 1-5). » Tout a été fait par le Verbe, dit-il. Or tout comprend la création dans laquelle nous vivons. On ne saurait donc accorder aux Gnostiques que tout ne désigne que ce qui est dans leur Plérôme : car si leur Plérôme contient la création, la création n’est pas hors du Plérôme, ainsi que nous l’avons démontré dans le livre précédent (II, 2). Si la création est hors du Plérôme, ce dont nous avons fait voir l’impossibilité, le Plérôme des Gnostiques n’est plus tout. Donc la création n’est pas hors du Plérôme. »

  1. Voy. p. 264. note 1.
  2. Voy. p. 129, note 1.
  3. Voy. p. 302, note 1. Cette séparation est personnifiée par Horos, p. 509, note 1.
  4. Voy. S. Irénée, II, 4. Le manteau, c’est le Plérôme : cette image est empruntée aux Kabbalistes. Voy. p. 264, note 1.