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DEUXIÈME ENNÉADE, LIVRE IX.

qu’il faut chercher la source de la doctrine que nous venons d’exposer. Les Éons jouent un rôle analogue à celui des dix Séphiroth (manifestations divines), appelées les noms et les visages de Dieu[1] et représentées comme autant de personnes dont les unions allégoriques ont servi de modèle aux syzygies des Gnostiques[2].

Noûs correspond à la Couronne, la première des Séphiroth, comme on l’a vu plus haut, p. 501, note.

Logos, principe et formateur du Plérôme, correspond à la Sagesse qui, dans le Zohar, est aussi représentée comme un principe mâle : « La Sagesse est nommée le Père ; car elle a engendré toutes choses. Au moyen des voies merveilleuses par lesquelles elle se répand dans l’univers, elle impose à tout ce qui est une forme et une mesure[3]. »

Anthropos rappelle Adam Kadmon, l’Homme céleste, c’est-à-dire Dieu considéré dans l’ensemble de ses attributs et type de l’homme terrestre. Aussi les Valentiniens donnaient-ils quelquefois à Noûs et à Bythos même le nom d’Anthropos et regardaient-ils Anthropos comme la manifestation de Bythos, de Noûs et de Logos[4].

Enfin, l’idée du Plérôme se trouve aussi dans le Zohar[5] et dans les écrits de Philon, qui s’exprime en ces termes :

  1. « Les Gnostiques appelaient les Éons les puissances, les dispositions, les formes, les plérômes, les noms de Dieu. Quelques-uns allaient jusqu’à leur appliquer les divers noms que les Hébreux donnaient à Dieu dans leur langue, Éheïeh, Jah, Jéhovah, Él, Élohim, Jédoud, Élohei-Tsabaoth, Schadaï, Adonaï, et dont les Kabbalistes se servaient pour désigner les dix Séphiroth, (S. Irénée, 1, 11, 14 ; 11, 35 ; M. Franck, p. 15, 110, 180.) Marcus a même emprunté aux Kabbalistes le langage symbolique des nombres et des lettres de l’alphabet pour expliquer la génération des Éons et de l’univers. (S. Irénée, I, 14 ; M. Franck, p. 145-167, 351.)
  2. Voy. M. Franck, La Kabbale, p. 180 et suiv. On trouve aussi l’idée de la syzygie dans Philon : « L’Auteur de cet univers doit être appelé le Père de son œuvre. Nous donnerons le nom de Mère à la Sagesse suprême. C’est à elle que Dieu s’est uni d’une manière mystérieuse pour opérer la génération des choses ; c’est elle qui, fécondée par le germe divin, a enfanté avec douleur, au terme prescrit, ce fils unique et bien-aimé que nous appelons le monde. » (De Temulentia.) L’expression employée ici par Philon est tout à fait identique à celle que nous avons vue plus haut employée par Valentin pour représenter la syzygie de Bythos et d’Ennoia.
  3. Voy. M. Franck, p. 188.
  4. Voy. M. Franck, p. 173, 179, 188, 230. Voy. aussi M. Natter, t. II, p. 86. Colorbasus disait qu’Anthropos était la manifestation de Bythos. Voy. plus haut, p. 504.
  5. Voy. M. Franck, p. 195-200. Plusieurs passages du Nouveau Testament paraissent dirigés contre la conception gnostique du Plérôme, notamment l’Épître de saint Paul Ad Colossenses, ii, 2-10. Saint Irénée (III, 11) affirme positivement que l’Évangile de saint Jean a été composé pour combattre les Gnos-