qu’il faut chercher la source de la doctrine que nous venons d’exposer. Les Éons jouent un rôle analogue à celui des dix Séphiroth (manifestations divines), appelées les noms et les visages de Dieu[1] et représentées comme autant de personnes dont les unions allégoriques ont servi de modèle aux syzygies des Gnostiques[2].
Noûs correspond à la Couronne, la première des Séphiroth, comme on l’a vu plus haut, p. 501, note.
Logos, principe et formateur du Plérôme, correspond à la Sagesse qui, dans le Zohar, est aussi représentée comme un principe mâle : « La Sagesse est nommée le Père ; car elle a engendré toutes choses. Au moyen des voies merveilleuses par lesquelles elle se répand dans l’univers, elle impose à tout ce qui est une forme et une mesure[3]. »
Anthropos rappelle Adam Kadmon, l’Homme céleste, c’est-à-dire Dieu considéré dans l’ensemble de ses attributs et type de l’homme terrestre. Aussi les Valentiniens donnaient-ils quelquefois à Noûs et à Bythos même le nom d’Anthropos et regardaient-ils Anthropos comme la manifestation de Bythos, de Noûs et de Logos[4].
Enfin, l’idée du Plérôme se trouve aussi dans le Zohar[5] et dans les écrits de Philon, qui s’exprime en ces termes :
- ↑ « Les Gnostiques appelaient les Éons les puissances, les dispositions, les formes, les plérômes, les noms de Dieu. Quelques-uns allaient jusqu’à leur appliquer les divers noms que les Hébreux donnaient à Dieu dans leur langue, Éheïeh, Jah, Jéhovah, Él, Élohim, Jédoud, Élohei-Tsabaoth, Schadaï, Adonaï, et dont les Kabbalistes se servaient pour désigner les dix Séphiroth, (S. Irénée, 1, 11, 14 ; 11, 35 ; M. Franck, p. 15, 110, 180.) Marcus a même emprunté aux Kabbalistes le langage symbolique des nombres et des lettres de l’alphabet pour expliquer la génération des Éons et de l’univers. (S. Irénée, I, 14 ; M. Franck, p. 145-167, 351.)
- ↑ Voy. M. Franck, La Kabbale, p. 180 et suiv. On trouve aussi l’idée de la syzygie dans Philon : « L’Auteur de cet univers doit être appelé le Père de son œuvre. Nous donnerons le nom de Mère à la Sagesse suprême. C’est à elle que Dieu s’est uni d’une manière mystérieuse pour opérer la génération des choses ; c’est elle qui, fécondée par le germe divin, a enfanté avec douleur, au terme prescrit, ce fils unique et bien-aimé que nous appelons le monde. » (De Temulentia.) L’expression employée ici par Philon est tout à fait identique à celle que nous avons vue plus haut employée par Valentin pour représenter la syzygie de Bythos et d’Ennoia.
- ↑ Voy. M. Franck, p. 188.
- ↑ Voy. M. Franck, p. 173, 179, 188, 230. Voy. aussi M. Natter, t. II, p. 86. Colorbasus disait qu’Anthropos était la manifestation de Bythos. Voy. plus haut, p. 504.
- ↑ Voy. M. Franck, p. 195-200. Plusieurs passages du Nouveau Testament paraissent dirigés contre la conception gnostique du Plérôme, notamment l’Épître de saint Paul Ad Colossenses, ii, 2-10. Saint Irénée (III, 11) affirme positivement que l’Évangile de saint Jean a été composé pour combattre les Gnos-