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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

d’abord à produire, puis il le voulut. C’est pourquoi ces deux dispositions ou puissances (διαθέσεις ἥ δυνάμεις), Ennoia et Thelesis s’étant en quelque sorte unies ensemble, leur union produisit Noûs et Aletheia, qui furent les images et les types visibles des dispositions invisibles du Père. Aletheia eut une nature féminine et fut l’image d’Ennoia qui n’a point été engendrée ; Noûs eut une nature virile et fut l’image de Thelesis, qui était venue s’unir à Ennoia et lui avait donné la puissance efficace. En effet, Ennoia pensait à produire, et elle ne pouvait produire seule par elle-même ; mais aussitôt que la puissance de Thelesis s’unit à Ennoia, Ennoia produisit ce qu’elle pensait.

Colorbasus prétend que les Éons qui composent la première Ogdoade ne sont pas nés les uns des autres, mais ont été produits tous ensemble par Propator et sa compagne Ennoia... Propator pensa à produire : sa Pensée de produire fut appelée le Père (Noûs). Sa Pensée de produire était vraie : cette Vérité fût Aletheia. Propator voulut se manifester : cette Manifestation fut Anthropos. Propator avait réalisé les productions qu’il avait pensées : l’Ensemble de ces productions fut nommé Ecclesia. Anthropos parla : sa Parole fut Logos, son Premier-né. Après Logos vint Zoé. Ainsi fut complétée la première Ogdoade. » (S. Irénée, I, 12.)

Quoique les Valentiniens prétendissent retrouver leur Ogdoade dans le premier chapitre de l’Évangile de S. Jean[1], à l’aide de leur méthode d’interprétation allégorique qui consiste à employer les termes mêmes des textes sacrés en leur donnant un autre sens[2], c’est principalement dans la Kabbale et dans les écrits de Philon

  1. Voy. S. Irénée, I, 8.
  2. « Les Valentiniens disent que les choses qu’ils racontent sur le Plérôme n’ont pas été révélées clairement, parce que tous les hommes ne sont pas capables de comprendre la Gnose, mais que le Sauveur les a indiquées mystérieusement par des paraboles à ceux qui sont capables d’en saisir le sens... Voilà ce que tous disent du Plérôme qu’ils ont imaginé : ils détournent de leur sens naturel les plus beaux passages pour tâcher d’en rendre les idées conformes à leur misérable fiction. Non-seulement ils interprètent faussement et torturent les Évangiles et les Épîtres pour y trouver des arguments à l’appui de leur doctrine ; mais encore ils en font autant pour la Loi et les Prophètes. Comme il s’y trouve des allégories et des paraboles qui offrent plusieurs sens, ils profitent de leur ambiguïté pour les altérer et les plier adroitement à leur fiction ; ils s’efforcent d’enlacer dans leurs sophismes et d’égarer tous ceux qui n’ont pas une foi bien affermie en un seul Dieu tout-puissant et en un seul Christ son fils. » (S. Irénée, I, 3.) Les Gnostiques paraissent avoir emprunté cette méthode d’interprétation allégorique aux Kabbalistes et à Philon. Voy. M. Franck, p. 42, 163-167, 328.