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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

Bythos passa des siècles infinis dans le repos et dans la solitude la plus complète. Avec lui coexistait Ennoia (la Pensée), que les Valentiniens appellent aussi Charis (la Grâce) et Sigé (le Silence). Bythos pensa à produire hors de lui-même le Principe de toutes choses, et il déposa dans le sein de Sigé, qui coexistait avec lui [qui formait avec lui la dyade ineffable], le germe de la production qu’il avait pensée (ἐννοηθῆναι ποτὲ ἀφ’ ἑαυτοῦ προϐάλεσθαι[1] τὸν Βύθον τοῦτον ἀρχὴν τῶν πάντων, ϰαὶ, ϰαθάπερ τὸ σπέρμα, τὴν προϐολὴν ταύτην, ἢν προϐάλεσθαι ἐνενοήθη, ϰατάθεσθαι ὠς ἐν μήτρᾳ, τῂ συνυπαρχούσῃ ἑαυτῷ Σιγῇ). Sigé, fécondée par ce germe, enfanta Noûs, (l’intelligence), semblable et égal à son père, et seul capable d’en comprendre la grandeur[2]. Les Valentiniens donnent à Noûs les noms de Monogenes (Fils unique), de Père et de Principe de toutes choses. Avec Noûs est née aussi Aletheia (la Vérité). Bythos, Ennoia, Noûs, Aletheia, forment la Tétrade pythagoricienne[3], que les Valentiniens appellent encore la racine de toutes choses.

Noûs, ayant compris pour quel motif il avait été produit [c’était pour manifester Bythos, qu’il peut seul faire connaître], produisit [par son union avec Aletheia] Logos (le Verbe) et Zoé, (la Vie), pour que Logos fût le père de tous les Éons qui devaient naître après lui, le principe et le formateur de tout le Plérôme. De l’union de Logos et de Zoé naquirent Anthropos (l’Homme) et Ecclesia (l’Église). Telle est l’Ogdoade[4] primitive, racine et substance de toutes choses.

Ces Éons, produits pour la gloire du Père, ayant résolu de glorifier le Père par leur propre fécondité, produisirent d’autres Éons en s’unissant à leurs compagnes. Logos et Zoé, après avoir produit Anthropos et Ecclesia, produisirent dix Éons, Bythios et Mixis, Ageratos et Henosis, Autophyes et Hedoné, Akinetos et Syncrasis, Monogenes et Macaria. Anthropos et Ecclesia produisirent douze Éons, Paracletos et Pistis, Patricos et Elpis, Matricos et Agapé, Aïnos et Synesis, Ecclesiasticos et Macariotes, Theletos et Sophia.

Tels sont les trente Éons des Gnostiqnes, Éons cachés aux hom-

  1. προϐάλεσθαι, produire, est l’équivalent de l’expression γεννᾷν, engendrer, employée souvent par Plotin. Voy. M. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. II, p. 431.
  2. C’est une allusion à ce verset de l’Évangile de S. Jean (I, 18) : « Deum nemo vidit unquam ; Unigenitus filius, qui est in sinu patris, ipse enarravit.
  3. Saint Irénée donne à cette Tétrade l’épithète de pythagoricienne, parce que les Pythagoriciens juraient par la tétrade. Voy. Plutarque, De Placitis philosophorum, I, 3.
  4. L’Ogdoade se ramène à une Tétrade composée de Bythos, Noûs, Logos, Anthropos, en considérant chacun d’eux comme mâle-femelle, ἀῤῥενόθηλυς.