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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

Tertullien, dans son traité Contre les Valentiniens, établit une distinction entre ces noms : « Ils l’appellent, dit-il, Éon parfait, pour désigner son essence ; Premier Principe, Bythos, pour désigner sa personne. »

De l’explication donnée par Tertullien, il résulte que les Valentiniens employaient le terme d’Éon parce qu’ils regardaient l’éternité comme l’essence de la nature divine[1]. Cette conception est d’accord avec la définition que Denis l’Aréopagite donne de Dieu : Principe et mesure des siècles, Essence des temps, Éternité des êtres, ἀρχὴ ϰαὶ μέτρον αἰώνω, ϰαὶ χρόνων ὀντότης, ϰαὶ αἰὼν τῶν ὄντων[2]. » (De Divinis nominibus, V, 4.)

B. Génération des hypostases divines appelées Éons. Plérôme et Cénôme.

Dégagée de ses formes allégoriques, la Théorie de Valentin sur les hypostases divines appelées Éons peut se formuler ainsi :

Après avoir passé une éternité dans l’inaction, Dieu, par une conception ineffable, a résolu de créer.

Pour créer, il a suffi à Dieu de se penser lui-même : par là, il a produit les formes suprêmes de l’existence et de la pensée, les Éons[3] qui, à leur tour, ont produit toutes choses. D’abord, en se pensant lui-même, Dieu a produit l’Intelligence (νοῦς), qui contient toutes choses confondues dans l’unité[4], parce qu’elle est la Pensée pure, l’idée de l’Être infini et absolu.

Pour se penser lui-même, Dieu s’est distingué du fini. Il a ainsi donné naissance au Vide, au Cénôme (ϰένωμα) : de là vient que Valentin donne à l’Intelligence le nom de Vide (Boutoua)[5].

Ensuite, par l’expansion de sa substance et le développement de


    t. III) ; mais cette traduction est si imparfaite et si inexacte que nous avons dû la refaire pour tous les passages de cet auteur que nous donnons dans ce volume.

  1. Les Perses regardaient aussi l’éternité comme l’attribut essentiel de la nature divine : ils donnaient à l’Être suprême le nom de Zerwane-Akérène, qui signifie l’Éternel.
  2. Voy. M. Matter, t. II, p. 50.
  3. On a vu précédemment que l’éternité était regardée par les Gnostiques comme l’attribut caractéristique de l’Être suprême. Ils donnaient aux hypostases ou manifestations divines le nom d’Éons (éternités), pour indiquer qu’elles sont de la même nature que Dieu. Voy. M. Matter, t. II, p. 50.
  4. « Dieu, disait Ptolémée, disciple de Valentin, a produit toutes choses en Noûs à l’état de germe. » (Saint Irénée, I, 8.)
  5. « Le nom de Boutoua que Valentin donnait à l’Intelligence signifie le Vide. Les Kabbalistes croyaient que le Créateur commença ses œuvres par s’entourer d’un espace vide. » (M. Matter, t. II, p. 65.) S. Irénée