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DEUXIÈME ENNÉADE, LIVRE IX.

curseur de la révélation, ainsi que l’enseignent Clément d’Alexandrie dans les Stromates[1], Eusèbe dans la Préparation évangélique, saint Augustin dans la Cité de Dieu[2]. Plotin n’avait donc aucun motif pour attaquer les véritables Chrétiens[3], et s’il l’eût fait, Porphyre, leur ennemi déclaré, n’eût pas manqué de le remarquer.

Enfin saint Augustin, qui témoigne partout pour Plotin la plus grande estime[4], donne à entendre que son enseignement était plutôt favorable que contraire au Christianisme. Voici comment il s’exprime à ce sujet :

« Plotini schola Romæ floruit habuitque condiscipulos multos acutissimos et solertissimos viros. Sed aliqui eorum magicarum artium curiositate depravati sunt ; aliqui, Dominum Jesum Christum ipsius veritatis atque sapientiæ incommutabilis (quam conabantur attingere) cognoscentes gestare personam, in ejus militiam transierunt. » (Epistolæ, cxviii).

Saint Augustin ajoute dans la même lettre cette réflexion importante :

« Ex quo intelligitur, ipsos quoque Platonicæ gentis philosophos, paucis mutatis, quæ Christiana improbat disciplina, invictissimo regi Christo pias cervices oportere submittere. »

Ces considérations montrent la fausseté du point de vue où s’est placé M. Heigl dans les notes qui accompagnent son édition du livre Contre les Gnostiques (Ratisbonne, 1832) ; ces notes sont rédigées dans l’hypothèse que Plotin fait allusion aux Chrétiens, quoiqu’il n’y ait pas dans le texte grec un seul mot qui ne s’explique parfaitement par la doctrine des Gnostiques. Creuzer a signalé justement cette erreur en appréciant l’ouvrage de M. Heigl (t. III, p. 504) : « Neque vero illud probabitur cuiquam, quod idem editor omisit prolegomena, quibus exponendum erat de ea quæstione, utrum Plotinus scripto suo universos Christianos impugnaverit, an solos quosdam hæreticos et quosnam potissimum. Tum in annotatione ad calcem subjecta congessit idem vir doctus magnam ferraginem locorum e va-

  1. Voy. M. Hébert-Duperron, Essai sur la Polémique et la Philosophie de Clément d’Alexandrie, 3e partie, chap. iii, iv.
  2. Voy. p. 274, note 1.
  3. Voy. un fragment d’Amélius, disciple de Plotin, sur l’Évangile de saint Jean, p. 530.
  4. Voy. p. 262, note 4 ; p. 303, note 1 ; p. 434, note 4, etc. S. Augustin dit encore ailleurs de Plotin : « Osque illud Platonis, quod in philosophia purgatissimum est et lucidissimum, dimotis nubibus erroris emicuit maxime in Plotino, qui Platonicus philosophus ita ejus similis judicatus est, ut simul eos vixisse, tantum autem interesse temporis ut in hoc ille revixisse putandus sit. » (Contra Academicos, III, 18.)