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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

si habile sans un artisan plein de génie, de même il est contre la droite raison de supposer qu’une matière telle en quantité et en qualité, si docile à se conformer à la parole toute-puissante de Dieu, eût pu exister sans une cause. » (Eusèbe, Préparation évangélique, VII, 20 ; t. I, p. 358 de la trad. de M. Séguier de Saint-Brisson.)

Voici maintenant le passage de Plotin qu’on peut rapprocher de ce morceau d’Origène :

« Le principe qui donne la forme à la matière lui donnera la forme comme une chose étrangère à sa nature ; il y introduira également la grandeur et toutes les propriétés qui sont réelles. Sinon, il sera esclave de la grandeur de la matière, il n’en déterminera pas la grandeur d’après sa volonté, mais d’après la disposition de la matière. Supposer que sa volonté se concerte avec la grandeur de la matière, c’est faire une fiction absurde. Au contraire, si la cause efficiente précède la matière, la matière sera absolument telle que le voudra la caisse efficiente, capable de recevoir docilement toute espèce de forme, par conséquent, la grandeur. » (§ 8, p. 207.)

Proclus parait s’être borné à reproduire dans ses écrits la théorie de Plotin sur la matière, comme on peut en juger par le résumé suivant que nous empruntons à M. Berger :

« Nous n’espérons pas expliquer clairement ce qu’est la matière : la matière en elle-même est ténèbres, indétermination, vrai mensonge ; elle est le contraire de la raison, de la mesure[1]. Essaierons-nous de la définir ? Elle est essentiellement indéfinie, inconnaissable ; car nous ne pouvons définir que ce dont nous concevons l’idée ; or il n’y a point d’idée de la matière[2]. Dieu n’a point d’idée, parce qu’il est supérieur à tout paradigme ; la matière n’en a point, parce qu’elle est trop au-dessous[3]. Tâcherons-nous de la faire connaître par ses produits ? La matière peut bien recevoir d’ailleurs une certaine forme ; elle-même ne saurait rien produire. Elle est impuissante, infertile. Elle n’a pas même d’actes : tout acte est mouvement, et la matière n’est que torpeur[4]. Dépeindrons-nous sa configuration ? La matière n’en a pas : son abaissement en est la cause. C’est au contraire à cause de son excellence que Dieu n’a pas de figure. Aussi Dieu, qui n’est pas figuré, est-il

  1. Comm. du Tim., p. 54, 274 ; Du Mal, c. 3 ; Comm. du Parm., t. IV, p. 14 ; Comm. sur la Républ., p. 381.
  2. Comm. du Parm., t. IV, p. 14 ; t. V, p. 279.
  3. Comm. de l’Alcib., t. III, p. 32.
  4. Comm. du Tim., p. 23 ; Comm. de l’Alcib., t. II, p. 219, 266, 331 ; Comm. du Parm., t. VI, p. 143.