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LVII
PRINCIPES DE LA THÉORIE DES INTELLIGIBLES.

ment de partager les passions du corps qu’elle est réellement impassible. En effet, ce qui permettait à la passion de s’agiter, c’était que la raison lui lâchait les rênes par suite de sa propre inclination.


LIVRE NEUVIÈME.
DU SUICIDE.

De la séparation de l’âme et du corps[1].

II.[2] Ce que la nature a lié, la nature le délie. Ce que l’âme a lié, l’âme le délie. La nature a lié le corps à l’âme ; mais c’est l’âme qui s’est liée elle-même au corps. Donc il appartient à la nature seule de détacher le corps de l’âme, tandis que c’est l’âme elle-même qui se détache du corps.

III.[3] Il y a une double mort : l’une, connue de tous les hommes, consiste dans la séparation du corps d’avec l’âme ; l’autre, propre aux philosophes, résulte de la séparation de l’âme d’avec le corps. Celle-ci n’est nullement la conséquence de celle-là[4].

  1. Les § II et III se rapportent au livre IX de l’Ennéade I (Du Suicide), ρ. 140, 141. Voy. le passage de Porphyre qui est cité page 140 (note 3).
  2. Le § II est cité par Stobée, Florilegium, Tit. CXVII, p. 600, éd. Gesner. Voy. aussi l’extrait de Macrobe qui se trouve dans les Notes, ρ. 441.
  3. Le § III est reproduit et développé dans l’extrait de Macrobe qui se trouve dans les Notes, p. 440-441.
  4. Pour comprendre le § III et le précédent, il faut se rappeler que Porphyre défend le suicide, comme Plotin, au nom de la doctrine de la métempsycose. On peut consulter à ce sujet un fragment de Porphyre que nous a conservé Stobée (Eclogœ physicœ, I, 62, p. 1053, éd. Heeren) et qui paraît appartenir au traité Du Styx. En voici le passage le plus remarquable : « Le trivium des enfers correspond aux trois parties de l’âme, la Raison l’Appétit irascible, l’Appétit concupiscible, parties dont chacune contient le principe d’une inclination pour une vie qui soit en harmonie avec elle. Il ne s’agit plus ici d’un mythe poétique, mais d’une vérité enseignée par la Physique. Les hommes dans la transformation et la génération desquels l’Appétit concupiscible domine avec une grande supériorité passent dans des corps d’ânes, comme le dit Platon [dans le Phédon], et ils reçoivent une existence impure et souillée par les excès de l’amour et de la bonne chère. Quand une âme, en arrivant à la seconde génération, a un Appétit irascible qui s’est transformé en véritable férocité par suite de haines acharnées et de cruautés sanglantes, alors, comme elle est encore remplie de la violence et de la colère à laquelle elle s’abandonnait précédemment, elle passe dans un corps de lion ou de loup ; elle s’unit