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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

matière, ni forme, ni privation, ni des êtres du même genre que lui, mais des moteurs. (Métaphysique, XII, 3, 5.)

Voici maintenant le rôle que Plotin attribue à la Puissance naturelle et génératrice de l’Âme universelle :

« Qui empêche que la Puissance [naturelle et génératrice] de l’Âme universelle n’ébauche les contours du corps (προῦπογράφειν), avant que les Puissances animiques [les âmes individuelles] ne descendent d’elle dans la matière, et que cette ébauche ne soit une espèce d’illumination préalable de la matière (οἶον προδρόμους ἐλλαμψεις ἐις τὴν ὕδην) ? Qui empêche que l’âme individuelle n’achève [de former le corps ébauché par l’Âme universelle] en suivant les lignes déjà tracées, n’organise les membres dessinés par elles, et ne devienne ce dont elle s’est approchée en se donnant à elle-même telle ou telle figure, comme le danseur se conforme au rôle qu’il a reçu ? » (Ennéade VI, liv. vii, § 7.)

Les idées de Plotin sur la génération de l’homme ont beaucoup d’analogie avec celles que Dante développe sur ce sujet en modifiant la doctrine d’Aristote d’après saint Thomas[1]. En voici le résumé d’après M. Ozanam :

« Trois pouvoirs concourent à l’œuvre de la génération. D’abord les astres exercent la puissance de leur rayonnement sur la matière et dégagent des éléments combinés en des conditions favorables les principes vitaux qui animent les plantes et les bêtes. Ensuite il y a dans l’homme une puissance d’assimilation qui se communique aux éléments digérés, se distribue avec le sang dans tous les membres, et va répandre la fécondité au dehors. Enfin la femme porte en elle une puissance de complexion qui dispose la matière destinée à recevoir le bienfait de la naissance... À l’heure où s’accomplit le mystère conjugal, le sang du père va féconder, actif et organisateur, le sang passif et docile recelé dans le sein de la mère. Là se façonnent les éléments du corps futur, jusqu’à ce qu’une préparation suffisante les fasse se prêter à l’influence céleste qui produit en eux la vie. Cette vie, végétale d’abord, mais progressive, se développe par son propre exercice ; elle fait passer l’organisme de l’état de plante à celui de zoophyte pour parvenir ensuite à la complète animalité. Là se borne l’action des pouvoirs de la nature : la mère qui donne la matière, le père qui donne la forme[2], les astres d’où provient le principe vital. Pour faire franchir à la créa-

  1. Voy. Aristote, De Generatione animalium, III, 3 ; saint Thomas, Summa, pars 1a, q. 119, art. 2 ; Dante, Purgatoire, XXV, 13.
  2. Voy. Enn. II, liv. iv, § 16, p. 322.