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DEUXIÈME ENNÉADE, LIVRE III.

§ 84. C’est ce qui fait que les esprits sont capables d’entrer dans une manière de société avec Dieu, et qu’il est à leur égard, non-seulement ce qu’un inventeur est à sa machine (comme Dieu l’est par rapport aux autres créatures), mais encore ce qu’un prince est à ses sujets et même un père à ses enfants.

§ 85. D’où il est aisé de conclure que l’assemblage de tous les esprits doit composer la cité de Dieu, c’est-à-dire le plus parfait état qui soit possible sous le plus parfait des monarques.

§ 86. Cette cité de Dieu, cette monarchie véritablement universelle est un monde moral dans le monde naturel, et ce qu’il y a de plus élevé et de plus divin dans les ouvrages de Dieu, et c’est en lui que consiste véritablement la gloire de Dieu, puisqu’il n’y en aurait point si sa grandeur et si sa bonté n’étaient pas connues et admirées par les esprits ; c’est aussi par rapport à cette cité divine qu’il a proprement de la bonté, puisque sa sagesse et sa puissance se montrent partout.

§ 87. Comme nous avons établi ci-dessus une harmonie parfaite entre deux règnes naturels, l’un des causes efficientes, l’autre des causes finales, nous devons remarquer encore ici une autre harmonie entre le règne physique de la nature et le règne moral de la grâce, c’est-à-dire entre Dieu considéré comme architecte de la machine de l’univers et Dieu considéré comme monarque de la cité divine des esprits.

§ 88. Cette harmonie fait que les choses conduisent à la grâce par la voie même de la nature, et que ce globe, par exemple, doit être détruit et réparé par les voies naturelles dans les moments que le demande le gouvernement des esprits pour le châtiment des uns et la récompense des autres.

§ 89. On peut dire encore que Dieu comme architecte contente en tout Dieu comme législateur, et qu’ainsi les péchés doivent porter leur peine avec eux par l’ordre de la nature, et en vertu même de la structure mécanique des choses, et que de même les belles actions s’attireront leurs récompenses par des voies machinales par rapport aux corps, quoique cela ne puisse et ne doive pas arriver toujours sur-le-champ. »


§ III. DOCTRINE DE PLOTIN SUR L’ACTION PROVIDENTIELLE DE l’ÂME UNIVERSELLE ET SUR SES RAPPORTS AVEC L’ÂME HUMAINE.

Les considérations précédentes sur l’ordre général de l’univers nous conduisent naturellement à examiner les idées de Plotin sur