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DEUXIÈME ENNÉADE, LIVRE III.

Voici comment Plotin, dans le livre qui nous occupe (§ 9, p. 178), résume ce morceau du Timée que nous venons de citer :

« Dans le Timée, le Dieu qui a créé l’univers [l’Intelligence] donne le principe immortel de l’âme [l’âme raisonnable], et les dieux qui exécutent leurs révolutions dans le ciel ajoutent [au principe immortel de l’âme] les passions violentes qui nous soumettent à la nécessité, la colère, les désirs, les peines et les plaisirs ; en un mot, ils nous donnent cette autre espèce d’âme [l’âme irraisonnable] de laquelle dérivent ces passions. Par ces paroles, Platon semble dire que nous sommes asservis aux astres, que nous en recevons nos âmes, qu’ils nous soumettent à l’empire de la nécessité quand nous venons ici-bas, que c’est d’eux que nous tenons nos mœurs, et, par nos mœurs, les actions et les passions qui dérivent de la partie passive (ἔξις παθητιϰή) de l’âme. Que sommes-nous donc nous-mêmes ? Nous sommes ce qui est essentiellement nous, nous sommes le principe auquel la nature a donné le pouvoir de triompher des passions. Car si, à cause du corps, nous sommes entourés de maux, Dieu nous a cependant donné la vertu qui n’a pas de maître. »

Plotin n’admet nullement, comme on pourrait le croire d’abord en lisant ce passage, que nous recevons nos âmes des astres[1] : car il affirme expressément le contraire dans le § 16, p. 187, et s’il s’exprime ici moins nettement, c’est par condescendance pour Platon. Il veut seulement montrer qu’il est d’accord avec Platon sur l’origine des vertus et des vices, sur le domaine de la liberté et de la nécessité ou fatalité dont l’influence des astres forme un des éléments. C’est dans ce but qu’il rapproche le Timée du Phèdre (§ 8, 13 ; p. 177, 183) et du livre X de la République (§ 9, 15 ; p. 178, 186).

En résumant les considérations éparses dans plusieurs paragraphes du livre iii, on peut formuler ainsi la doctrine de Plotin :

1° Les vertus dérivent du fonds primitif de l’âme ; les vices naissent du commerce de l’âme avec les choses extérieures (§ 8, 13, 16 ; p. 178, 184, 187).

2° L’homme est libre quand il exerce la faculté de l’âme raisonnable (§ 9, 13, 15 ; p. 179, 183, 187), quand il s’élève de l’ordre physique qui règne dans l’univers aux choses intelligibles qui ne dépendent de rien (§ 8, 9 ; p. 177, 179). Il est soumis à la nécessité

  1. On a vu plus haut (p. 454) que l’âme ne reçoit des astres que le pneuma, c’est-à-dire le corps aérien ou igné qu’elle revêt avant de descendre dans le monde sensible.