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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

supplice que lorsqu’il se laisserait conduire par la révolution du même et de l’invariable en lui[1], et que, triomphant ainsi par la raison de cette multitude de parties déraisonnables et désordonnées de feu, d’eau, d’air et de terre, venues plus tard s’ajouter à lui, il reviendrait à l’excellence et à la dignité de son premier état. Leur ayant donc promulgué toutes ces lois, pour n’avoir point à répondre de la méchanceté future de chacun de ces animaux, il semait les uns dans la terre, les autres dans la lune, d’autres dans tous les instruments du temps. Après cette distribution, il chargea les jeunes dieux de façonner les corps mortels, d’achever ce qui pouvait encore manquer à l’âme humaine et tout ce dont elle pouvait avoir besoin, et puis de commander à cet animal mortel et de le diriger le mieux qu’ils pourraient, à moins qu’il ne devînt lui-même la cause de ses propres malheurs... Dieu est l’ouvrier qui forma les animaux divins ; quant aux animaux mortels, il confia à ses propres enfants le soin de travailler à leur formation. Ces dieux, imitant leur père et ayant reçu de lui le principe immortel de l’âme, lui façonnèrent ensuite ce corps mortel, et lui donnèrent pour char le corps entier, dont ils firent encore la demeure d’une autre espèce d’âme, de celle qui est mortelle, et qui a en elle-même des affections violentes et fatales, d’abord le plaisir, ce grand appât du mal, ensuite les douleurs, cause de la fuite du bien, de plus l’audace et la crainte, conseillers imprudents, la passion sourde aux avis, l’espérance qui se laisse facilement séduire par la sensation irraisonnable et livrée en proie à l’amour de tous les objets. Mêlant toutes ces choses d’après la nécessité, ils composèrent ainsi l’espèce mortelle[2]. » (Timée, p. 42, 69 ; p. 114, 187 de la trad. de M. H. Martin.)

  1. Voy. p. 453.
  2. De ces passages et d’autres passages analogues, il résulte que, suivant Platon, les dieux placèrent dans la tête une âme immortelle, douée de trois facultés, savoir : l’intelligence, νοῦς, la meilleure des trois, qui perçoit les idées ; la science, ἐπιστήμη, qui perçoit les choses mathématiques ; et l’opinion, δόξα, la moins bonne des trois, qui conjecture la nature des choses produites et périssables. Ils placèrent ensuite dans le reste du corps une âme mortelle, composée de deux parties distinctes, dont l’une, l’Énergie, θυμός, réside dans le cœur ; l’autre, l’Appétit, ἐπιθυμία, dans le foie. Les passions de l’Énergie représentent la volonté et une sorte de sensibilité morale ; celles de l’Appétit, la sensibilité physique, l’imagination irréfléchie et les appétits sensuels. (Voy. M. H. Martin, Études sur le Timée, t. II, p. 148-152, 295-300.) Plotin divise en intelligence et âme raisonnable l’âme immortelle de Platon ; quant à son âme mortelle, il l’appelle âme irraisonnable.