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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

Éclairé par les objections qu’Aristote[1] fait à cette théorie du mouvement de l’âme, Plotin attribue au pneuma seulement le mouvement circulaire que Platon attribuait à l’âme elle-même, et, comme nous l’avons dit plus haut, il explique le mouvement de l’âme humaine de la même manière qu’Aristote.

Mais qu’est-ce que le pneuma, cet élément sphérique qui se meut circulairement en nous ? Ce n’est pas le pneuma dont Platon parle dans le Timée[2] (p. 78-79), c’est un corps aérien ou igné que l’âme revêt avant de descendre dans un corps terrestre, comme Plotin l’explique dans le livre iii de l’Ennéade IV (§ 9, 15) :

« Il y a pour l’âme deux manières d’être dans un corps : l’une a lieu quand l’âme, étant déjà dans un corps, subit une métensomatose, c’est-à-dire quand elle passe d’un corps aérien ou igné dans un corps terrestre, migration qu’on n’appelle pas ordinairement métensomatose (μετενσωμάτωσις), parce qu’on ne voit pas d’où l’âme vient ; l’autre manière a lieu quand l’âme passe de l’état incorporel dans un corps quel qu’il soit, et qu’elle entre ainsi pour la première fois en commerce avec le corps... Les âmes descendant du monde intelligible dans le premier ciel ; là, elles prennent un corps, et, en vertu de ce corps même, elles passent dans des corps terrestres, selon qu’elles s’avancent plus ou moins loin [du monde intelligible]. »

Cette théorie est développée longuement par Porphyre dans ses Ἀφορμαι πρὸς τὰ νοητά, § 32, où il s’exprime ainsi : « Quand l’âme sort du corps solide, elle ne se sépare pas de l’esprit qu’elle a reçu des sphères célestes (τὸ πνεῦμα συνομαρτεῖ ὃ ἐϰ τῶν σφαιρῶν συνελέξατο), etc.

On retrouve la même idée dans les écrits de Proclus, qui appelle cet esprit le véhicule de l’âme[3]. Voy. à ce sujet l’ouvrage de M. Berger : Exposition de la doctrine de Proclus, p. 77-78.

Macrobe fait allusion à la doctrine de Plotin et de Porphyre lorsqu’il dit dans son Commentaire sur le Songe de Scipion (I, 11) :

« Secundum hos ergo, quorum sectæ amicior est ratio, animæ beatæ ab omni cujuscunque contagione corporis liberæ cœlum possident ; quæ vero appetentiam corporis et hujus quam in terris vitam vocamus, ab illa specula altissima et perpetua luce despiciens desiderio latenti cogitaverit, pondere ipso terrenæ cogita-

  1. Voy. le traité De l’Âme, III.
  2. Voy. M. H. Martin, Études sur le Timée, t. II, p. 330-334.
  3. Sur la nature et les propriétés du véhicule spirituel, ὄχημα πνευματϰὸν, ou corps lumineux, céleste, éthéré, σῶμα αὐγοειδὲς, οὐρανίον, αἰθέριον, selon les Platoniciens, Voy. Cudworth, Systema intellectuale, p. 1027.