Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/59

Cette page a été validée par deux contributeurs.
LIV
PORPHYRE.

des choses inférieures. « Dans l’intelligence, la prudence est la science ; la sagesse est la pensée ; la tempérance est la conversion vers soi-même ; la justice est l’accomplissement de sa fonction propre ; le courage est l’identité de l’intelligence, sa persévérance à rester pure, concentrée en elle-même, en vertu de sa supériorité[1].  »

Il y a ainsi quatre espèces de vertus : 1o les vertus exemplaires, propres à l’intelligence, à l’essence de laquelle elles appartiennent ; 2o les vertus de l’âme tournée vers l’intelligence et remplie de sa contemplation ; 3o les vertus de l’âme qui se purifie ou qui s’est purifiée des passions brutales propres au corps ; 4o les vertus qui embellissent l’homme en renfermant dans d’étroites limites l’action de la partie irraisonnable et en modérant les passions. « Celui qui possède les vertus de l’ordre supérieur possède nécessairement [en puissance] les vertus inférieures. Mais la réciproque n’a pas lieu[2] ». Celui qui possède les vertus supérieures ne préférera pas se servir des vertus inférieures par cela seul qu’il les possède ; il les emploiera seulement quand les circonstances l’exigeront[3]. Les buts, en effet, diffèrent selon l’espèce des vertus. Le but des vertus civiles est de modérer nos passions pour rendre notre conduite conforme aux lois de la nature humaine ; celui des vertus purificatives, de détacher l’âme complètement des passions ; celui des vertus contemplatives, d’appliquer l’âme aux opérations intellectuelles, au point de n’avoir plus besoin de songer à s’affranchir des passions ; enfin, celui des vertus exemplaires a de l’analogie avec le but des autres vertus. Ainsi, les vertus pratiques font l’homme vertueux ; les vertus purificatives, l’homme divin ou le bon démon ; les vertus contemplatives, le dieu ; les vertus exemplaires, le Père des dieux. Nous devons nous appliquer surtout aux vertus purificatives, en songeant que nous pouvons les acquérir dès cette vie, et que leur possession conduit aux vertus supérieures. Il faut donc pousser aussi loin que possible la purification, qui consiste à se séparer du corps et à s’affranchir de tout mouvement passionné de la partie irrationnelle. Mais comment peut-on purifier l’âme ? Jusqu’où peut aller la purification ? Voilà deux questions que nous allons examiner.

D’abord, le fondement et la base de la purification, c’est de se connaître soi-même, de savoir qu’on est une âme liée à un être étranger et d’essence différente[4].

  1. Voy. ibid., § 7, p. 61.
  2. Ibid., § 7, p. 61.
  3. Ibid., § 7, p. 62. Voy. les Notes, p. 378.
  4. Porphyre avait composé un long traité Sur le précepte : Connais-toi toi-même. Stobée nous a conservé des extraits des livres I et IV