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DEUXIÈME ENNÉADE, LIVRE I.

« Si l’on admet que le monde, être corporel, a toujours existé et existera toujours, et que l’on rapporte à la volonté de Dieu[1] la cause de sa perpétuité, on énoncera peut-être une chose vraie, mais on n’expliquera rien. »

Au § 2, p. 146, Plotin revient sur l’objection d’Aristote et la développe en ces termes :

« Comme tout animal est composé d’une âme et d’un corps, il faut que le ciel doive la permanence de son individualité soit à la nature de son âme, soit à celle de son corps, soit à celle de tous les deux. Si l’on pense qu’il est incorruptible par la nature de son corps, l’âme ne sera plus nécessaire en lui que pour former un être animé [en s’unissant au corps du monde]. Si l’on suppose au contraire que le corps, corruptible de sa nature, ne doit qu’à l’âme son incorruptibilité, il est nécessaire, dans cette hypothèse, de faire voir que l’état du corps ne se trouve pas naturellement contraire à cette constitution et à cette permanence (car, dans les objets constitués par la nature, il ne saurait y avoir un défaut d’harmonie), mais qu’au contraire la matière doit ici contribuer par ses dispositions à l’accomplissement de la volonté divine. »

§ II. MENTIONS ET CITATIONS QUI ONT ÉTÉ FAITES DE CE LIVRE.

En traitant de la résurrection, saint Augustin discute les arguments par lesquels Plotin essaie de démontrer dans ce livre l’immortalité du monde :

« Les philosophes Platoniciens soutiennent que les corps terrestres ne peuvent être éternels[2], bien qu’ils ne balancent pas à déclarer que toute la terre, qui est un membre de leur dieu, non du Dieu souverain, mais pourtant d’un grand dieu, c’est-à-dire du Monde, est éternelle. Puis donc que le Dieu souverain leur a fait un autre dieu, savoir le Monde, supérieur à tous les autres dieux créés, et puisqu’ils croient que ce dieu est un animal doué d’une âme raisonnable ou intellectuelle, qui a pour membres les quatre éléments, dont ils veulent que la liaison soit éternelle et indissoluble, de crainte qu’un si grand dieu ne vienne à périr[3], pourquoi la terre, qui est le nombril dans le corps de ce grand animal, serait-elle éternelle, et les corps des autres animaux terrestres ne le seraient-ils pas, si Dieu le veut ? Il faut, disent-ils, que la terre soit rendue
  1. Voy. le passage du Timée de Platon qui est cité plus haut, p. 428, note 1.
  2. Voy. Enn. II, liv. i, § 1, p. 143-145.
  3. Voy. ibid., § 3-5. p. 146-150.